Démographie et finances publiques : le sujet des 50 prochaines années !
Le rapport de la Cour des comptes Démographie et finances publiques, publié le 2 décembre 2025, rappelle — s’il en était besoin — que le défi du vieillissement s’impose à la France pour de nombreuses années encore. Ce phénomène aura des incidences majeures sur l’économie et sur les finances publiques.
La part des personnes âgées d’au moins 65 ans est passée de 16,3 % en 2005 à 21,8 % fin 2024, tandis que celle des jeunes de moins de 20 ans reculait de 24,8 % à 22,9 %. Selon les projections, les seniors représenteraient près de 30 % de la population en 2070. Le nombre de personnes âgées de plus de 75 ans augmenterait de 4 millions d’ici 2070, passant de 7,3 millions en 2024 à 11,2 millions. Dans le même temps, la population en âge de travailler (20-64 ans) diminuerait en valeur absolue, de 38,0 millions à 34,6 millions. Le ratio de dépendance démographique (rapport entre les plus de 65 ans et les 20-64 ans), qui s’élevait à 25 % en 2000 puis à 37 % en 2023, progresserait encore pour atteindre entre 45 % et 50 % en 2040. Par ailleurs, le solde naturel — différence entre les naissances et les décès — est devenu négatif dès mai 2025, soit deux ans plus tôt que prévu, avec 651 000 décès pour 650 000 naissances sur un an.
La Cour des comptes souligne que cette évolution démographique induit trois effets principaux : une diminution du potentiel de croissance, une érosion des recettes publiques et une transformation de la structure des dépenses publiques.
Un effet négatif sur la croissance économique
L’offre de travail se contractera dans les prochaines décennies. Dans le scénario central de l’Insee, la part de la population en âge de travailler diminuerait de 55,3 % en 2023 à 50,0 % en 2070, sous l’effet du vieillissement et du recul temporaire de la fécondité. Cette évolution pèsera sur le potentiel de croissance et rendra indispensable l’amélioration du taux d’emploi. Celui-ci progresse (68,8 % en 2024) mais demeure inférieur à la moyenne européenne (70,0 %).
Le vieillissement de la main-d’œuvre pourrait également peser sur la productivité globale, même si les travaux disponibles restent ambigus. En France, la productivité tend à se stabiliser après 40-45 ans, sans déclin marqué, l’expérience acquise constituant un atout dans de nombreux métiers. Pour maintenir ou améliorer la productivité au-delà de 45 ans, les entreprises devront renforcer leur effort de formation continue.
Le vieillissement influe enfin sur les comportements d’épargne. Les personnes âgées présentent, en moyenne, un taux d’épargne élevé et privilégient les placements sans risque. Ce comportement facilite le financement de l’État mais réduit l’offre de capitaux à destination des entreprises et pèse sur l’investissement productif.
Une érosion des recettes publiques
La contraction de la population active réduira mécaniquement la richesse produite et donc les recettes publiques. Moins d’actifs, c’est moins de cotisations sociales. À l’inverse, une hausse du nombre de seniors se traduit par davantage d’impôt sur le revenu et d’impositions sur le patrimoine.
La Cour rappelle qu’en 2019, les personnes âgées de 20 à 39 ans consacraient en moyenne 39 % de leurs revenus au financement de la protection sociale, contre seulement 25 % pour celles de plus de 65 ans.
Une modification profonde des dépenses publiques
Les dépenses sensibles au vieillissement représentaient plus de 40 % des dépenses publiques en 2023. Elles ont progressé de 11 points entre 1998 et 2023, essentiellement sous l’effet des retraites. Le vieillissement entraîne également une hausse des dépenses de santé et de dépendance, tandis que la baisse de la natalité réduit mécaniquement les besoins liés à l’éducation et à la politique familiale.
Selon la Cour des comptes, le ratio dépenses publiques/PIB pourrait dépasser 60 % en 2070, un niveau comparable à celui observé lors de la crise sanitaire. À l’inverse, maintenir ce ratio à son niveau actuel (57 %) exigerait une baisse des dépenses publiques par habitant, pouvant atteindre –6,1 % en 2070. La Cour estime que les enjeux démographiques restent insuffisamment intégrés par les pouvoirs publics. Le vieillissement est peu présent dans la programmation budgétaire alors même qu’il représente un risque majeur pour la soutenabilité des finances publiques.
Parmi en suspens figure notamment la prise en charge de la perte d’autonomie des générations nombreuses nées après-guerre. La répartition du financement de la protection sociale entre les générations — mais aussi au sein même des générations — devra être réexaminée face à la hausse durable des dépenses de retraite, de santé et de dépendance.
Comment relever le défi démographique
La Cour identifie néanmoins plusieurs leviers permettant d’atténuer les effets du vieillissement : accroissement de la population active, fluidification du marché du travail, hausse du taux d’emploi des jeunes, des seniors, des femmes et des immigrés, amélioration des compétences, productivité accrue, augmentation du temps de travail, renforcement de l’attractivité du territoire pour les talents internationaux, etc. Elle met l’accent sur une meilleure gestion des 60/70 ans afin d’éviter une guerre des générations. Elle s’interroge enfin sur la possibilité d’une politique nataliste plus ambitieuse, tout en rappelant que ses effets positifs sur les recettes publiques n’interviendraient qu’avec un décalage d’au moins vingt ans.
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