03.03.2020

L’assurance vie, à la croisée des chemins ?

Résultats 2019, Cercle de l'épargne - source FFA

En 2019, l’assurance vie aurait pu souffrir de la baisse des rendements, des polémiques sur l’avenir du fonds euros. Or, tel n’a pas été le cas. Bien au contraire, les résultats témoignent de la force de ce produit qui est le premier support d’épargne en France.

 

Les versements se sont élevés à 144,6 milliards d’euros contre 139,7 milliards d’euros en 2018. En termes de collecte brute, c’est le meilleur de ses vingt dernières années. De janvier à décembre, la proportion de la collecte en Unités de Compte (UC) est passée de 23 à 41 %.  En moyenne, elle a été de 27 %, soit le même taux qu’en 2018. La collecte en UC avait été faible en début d’année en raison de la baisse des cours des actions à la fin de l’année 2018. 


A contrario, la forte progression de la collecte en UC de la fin de l’année s’inscrit dans un contexte financier porteur pour les valeurs actions.

 

Les prestations ont été, sur l’ensemble de l’année, stables par rapport à 2018 (118,7 milliards d’euros contre 118,2 milliards d’euros). Depuis le début des années 2010, elles ont tendance à augmenter du fait de la maturité croissante du produit et du vieillissement de la population. Les sorties des contrats sont à relier avec le dynamisme du marché immobilier. 

Collectes et prestations de l'assurance vie

  Collecte nette de l'assurance vie sur l'exercice 2019

La collecte nette a ainsi atteint 25,9 milliards d’euros, le meilleur résultat enregistré depuis 2010 (51 milliards d’euros). En 2018, elle s’était élevée à 21,5 milliards d’euros. Avec ce résultat, l’assurance vie témoigne de sa résilience.

 

En permettant un arbitrage entre la sécurité, la liquidité et le rendement, ce produit répond aux exigences des épargnants. La hausse de la collecte est à relier à celle du taux d’épargne des ménages qui ont choisi de ne pas consommer l’ensemble de leurs gains de pouvoir d’achat.

Evolution de la collecte nette de l'assurance vie

L’assurance vie, un produit en évolution permanente

L’assurance vie a connu un essor important dans les années 90 et 2000 grâce au succès du fonds euros qui apportaient tout à la fois sécurité, liquidité et rendement. Elle a bénéficié alors des taux d’intérêt élevés dans un contexte de désinflation.

 

Le retournement intervenu depuis la grande récession de 2008/2009, avec la mise en œuvre de politique monétaire accommodante, change la donne pour les assureurs comme pour les assurés. L’installation des taux bas voire négatifs sur longue période impose une reformulation de l’assurance vie.

 

La garantie du capital qui est un service, a un coût, un prix qui se matérialise par une diminution des taux de rendement des fonds euros. La recherche de gains supérieurs passe désormais, par une prise de risque accrue, ce qui n’est pas illogique en soi.

Les nouvelles équations de l’assurance vie 

Un environnement économique qui remet en cause les fondamentaux

Depuis cinq ans, les compagnies d’assurances évoluent dans un environnement de très faibles taux qui remet en cause les fondamentaux de leur principal produit, l’assurance vie.

 

La baisse des taux joue sur le rendement proposé aux assurés mais aussi sur les besoins en capitaux des compagnies qui sont la contrepartie de la garantie offerte dans le cadre des fonds euros. Le coût de cette garantie apparaît au grand jour en période de taux négatifs. L’assurance vie ne peut pas se résumer à un simple produit d’épargne, c’est, aussi, voire avant tout, une prestation de services. La compagnie reçoit l’argent de ses assurés en leur promettant à tout moment, dans le cadre des fonds euros classiques, de leur en restituer l’intégralité. 

 

Les sommes collectées à travers les fonds euros sont affectées entre différentes classes d’actifs selon des règles prudentielles précises. En France, l’actif du fonds en euros de l’assurance vie est principalement composé d’obligations à taux fixe (à 67 %). Le reste est constitué à 7,5 % d’obligations à taux variable, à 7,5 % d’actions et de fonds structurés en actions, à 2,6 % d’obligations indexées sur l’inflation, à 5,9 % d’immobilier, à 1 % en liquidités et à 0,5 % en autres types de placements.

 

La baisse des taux d’intérêt des obligations de l’État pèse fortement sur le rendement des fonds euros. Ainsi, le taux des Obligations Assimilables du Trésor (OAT) à dix ans est passé de 4 % en 2003 à 0 % au cours du second semestre 2019.

 

Les prévisions à dix ans des investisseurs ne dépassent guère le 1 %, ce qui traduit le fait que le marché ne croit pas, pour le moment, à la remontée des taux d’intérêt.

 

Selon Patrick Artus, chef économiste de Natixis, le rendement annuel attendu du fonds euros dans sa structure actuelle, ne peut pas dépasser 1 %. Pour obtenir ce résultat, il a retenu un rendement nul pour les obligations d’État, 2  % pour les obligations d’entreprise, 4 % pour l’immobilier et  8 % pour les actions. Ces dernières évaluations de taux sont certainement un peu optimistes. 

 

Des marges très faibles pour améliorer les rendements

Compte tenu des règles prudentielles en vigueur, les marges des assureurs pour améliorer le rendement des fonds euros sont faibles. Afin de garantir la sécurité de l’épargne, les régulateurs imposent un coussin de capital de grande taille. La diversification du portefeuille est la réaction normale mais elle a un coût élevé. Pour obtenir du rendement, les assureurs peuvent être tentés d’accroître leurs placements dans l’immobilier commercial qui rapporte autour de 4 %, dans le private equity et dont le rendement est voisin de 8 % ou dans les fonds d’infrastructures (rendement de 5,6 % en 2018).

 

Cette diversification qui signifie une ouverture accrue aux risques est très consommatrice de fonds propres pour les assureurs. Ainsi, pour les actions cotées des pays occidentaux, le besoin en capital en fonction de l’année d’acquisition varie de 22 à 39 %. Pour des actions cotées d’entreprises issues de pays non-membres de l’OCDE ou non cotées, ce taux est de 49 %. Si les actions sont détenues en face d’engagement retraite, en revanche, le besoin en capital est de 22 %. Pour l’immobilier, ce besoin est de 25 % quand pour les obligations d’État, il varie de 0 à 20 %. Les fonds propres des compagnies d’assurance, depuis l’entrée en vigueur de la directive Solvency II, sont passés, de 55 à près de 80 milliards d’euros entre 2012 et 2019 (source Fédération Française de l’Assurance). Pour ne pas peser sur la rentabilité des assureurs, les rendements des fonds propres doivent être élevés, ce qui ne va pas de soi dans le contexte économique actuel. 

 

L’environnement de taux bas impose une clarification en matière d’assurance vie. La garantie en capital a un prix que l’épargnant doit prendre en compte. Il ne peut plus comme dans le passé transférer la totalité du risque sur l’assureur en étant certain d’avoir un rendement relativement correct. Les fonds euros demeurent un outil incontournable pour sécuriser un capital en vue d’un réemploi ou dans le cadre d’une préparation d’une succession.

 

La possibilité de déroger à l’ordre successoral et le maintien d’avantages fiscaux constituent deux atouts non négligeables. Par ailleurs, au-delà de la succession, les gains issus des contrats d’assurance vie de plus de huit ans bénéficient toujours d’un traitement fiscal avantageux avec notamment l’existence de l’abattement de 4 600 euros pour un célibataire et 9 200 euros pour un couple.

 

Une réorientation possible vers le nouveau Plan d'Epargne Retraite 

Cet abattement est par ailleurs doublé pour ceux qui s’engagent à réorienter leur épargne vers les nouveaux Plans d’Épargne Retraite. Avec ces derniers, les pouvoirs publics poursuivent deux objectifs, la création d’un support de long terme capable de financer les entreprises, la constitution de suppléments en vue de la retraite.

 

Les PER constituent sans nul doute un des avenirs de l’assurance vie. Cette dernière était, à l’origine, une prestation de service reposant sur le principe que le souscripteur recevait l’engagement de recevoir à une date convenue ou à un moment déterminé une rente ou un capital. L’assurance vie s’est transformée au fil du temps et grâce aux innovations financières en un produit d’épargne qu’elle n’était pas au début. Avec le PER, l’assurance vie retrouve ses fondamentaux et nul ne peut s’en plaindre.

Partager cet article :