22.01.2019

Economie

De quoi sera fait 2019 pour la zone euro ?

2018 était née sous de bons hospices et a terminé dans la grisaille. L’art de la prévision exige le droit à l’erreur et surtout à la modestie. Pour 2019, les conjoncturistes sont plutôt « en mode pessimiste ».

 

Le ralentissement économique en Chine, les mauvais résultats en Allemagne et au Japon, les problèmes sociaux de la France, la stagnation italienne, la guerre commerciale sino-américaine, la longue chronique de l’arrivée annoncée de la fin de cycle aux États-Unis, ou encore la crise budgétaire, les signaux négatifs ne manquent pas en ce début d’année. 

 

De nombreux indicateurs économiques sont alarmants

Les indicateurs PMI des directeurs d’achat de la société Markit permettent de mesurer assez finement l’état et le climat des affaires et cela dans un très grand nombre de pays. Or, que ce soit ceux qui retracent l’activité des services ou de l’industrie, ils sont tous orientés à la baisse depuis le milieu de l’année 2018 après avoir connu une hausse rapide de 2015 à 2017.

De son côté, l’indicateur du sentiment économique de la zone euro a perdu près de 8 points ces six derniers mois. Malgré tout, ces indicateurs sont encore au-dessus de leur moyenne de longue période. Ces indicateurs assez fiables traduisent l’état d’inquiétude qui prévaut dans les milieux économiques. Or, la disparition de la confiance est toujours préjudiciable pour la croissance.  

 

Des petits retournements de tendance inquiétants 

En Europe comme en France, après une forte progression en 2016 et 2017, l’investissement productif des entreprises, celui en logements des ménages et les achats de voitures sont en recul. Néanmoins, il faut relativiser le recul de cette année qui fait suite à une année exceptionnelle.

Par ailleurs, le recul des ventes de véhicules n’est pas sans lien avec le durcissement des normes anti-pollution entrées en vigueur le 1er septembre dernier.

Dans plusieurs pays, l’économie bute sur les difficultés d’embauche des entreprises. Ce problème freine la croissance. La croissance de l’emploi est de 1 % au sein de la zone euro, soit un niveau bien plus faible à celui qui prévalait avant crise. 

 

La fin des politiques monétaires accommodantes 

Au mois de décembre dernier, la Banque centrale européenne a arrêté ses rachats d’obligations, première étape de la sortie de la politique monétaire non conventionnelle. La hausse des taux directeurs est, quant à elle, programmée au mieux pour le second semestre.

Par ailleurs, Les relèvements des taux directeurs américains devraient se poursuivre cette année mais à un rythme moins soutenu. Deux hausses sont pour le moment prévues. Elles pourraient néanmoins avoir un effet de contagion sur les taux européens. Ce mouvement des taux pourrait dégrader les perspectives de croissance et entraîner des arbitrages sur les différents placements.

Les marchés financiers ont commencé à s’ajuster à cette nouvelle donne d’autant plus que les liquidités se font plus rares avec contraction du bilan de la banque centrale américaine.

Mais même si les taux remontaient, leur hausse devrait être très modérée d’autant plus que l’inflation a commencé à refluer en lien avec la baisse du prix du baril de pétrole. De ce fait, le freinage monétaire sera modéré. 

 

Le Brexit, le rendez-vous du mois de mars 

Depuis plus de deux ans, le Brexit occupe les esprits. Logiquement sauf surprise de dernière minute, il est prévu pour le mois de mars prochain.

Si Theresa May n’arrive pas à dégager une majorité aux Communes, ce qui en l’état des forces est probable, il n’est pas impossible que le « hard brexit » soit au menu. Les conséquences économiques seraient importantes pour le Royaume-Uni.

Certains secteurs seraient particulièrement touchés, tels que l’agriculture, les transports et les services financiers. Mais, des pays européens comme la France qui dégage un excédent commercial avec le Royaume-Uni ou l’Allemagne, un de ses premiers fournisseurs, subiraient les effets de ce départ non négocié.

L’impact potentiel sur le PIB de la zone euro est mal apprécié. Il pourrait atteindre entre 2 à 4 % sur longue période. Pour 2019, la perte de croissance est estimée à 0,5 point. Pour le Royaume-Uni, en cas d’absence d’accord, sur longue période, le manque à gagner en termes de PIB pourrait atteindre jusqu’à 8 %. 

Face à ce risque, l’idée d’un nouveau référendum est avancée, en particulier, par Tony Blair. Les électeurs pourraient être amenés à choisir entre le maintien dans l’Union ou le « hard Brexit ». Les autorités européennes ont signalé qu’elles n’étaient pas opposées à l’idée de suspendre le processus de départ du Royaume-Uni. 

 

Le retour du politique 

Les opinions publiques, dix ans après la Grande Récession, expriment leurs doutes et leurs colères vis-à-vis des dirigeants politiques. Les relations entre les États se tendent également que ce soit à l’intérieur de l’Union européenne ou sur la scène internationale. Les tensions, entre la Chine et les États-Unis, sont suivies de près par les investisseurs. 

Ce retour du politique s’accompagne d’une remise en cause du multilatéralisme. Or, l’économie n’aime guère les décisions brutales et unilatérales. Elle préfère le consensuel. Depuis 1945 autour du FMI, de la Banque Mondiale, du GATT puis de l’OMC, les États ont essayé plus ou moins bien de s’accorder.

La crise de 2008 a été en partie jugulée grâce à l’action coordonnée des puissances parties prenantes du G20. Aujourd’hui, le concert des Nations est en mode polyphonie dissonante. Face à un choc économique, une spirale négative pourrait s’enclencher plus rapidement en cas d’adoption de politiques non coopératives. 

 

Malgré tout, tout n’est pas noir !

Plusieurs facteurs jouent cependant en faveur de la croissance. En effet, la politique budgétaire est au sein de la zone euro de plus en plus expansionniste, la politique monétaire reste malgré tout accommodante et le prix du pétrole semble être en situation de se stabiliser autour de 70 dollars le baril. 


Une politique budgétaire plus expansionniste

L’assainissement des finances publiques, en zone euro, semble toucher son terme.

À la différence des États-Unis et du Japon, les États membres ont fait d’importants efforts en matière de réduction du déficit public. Ce dernier est passé de plus de 6 % du PIB à moins de 1 % du PIB de 2009 à 2018 mais il pourrait dépasser 1 % du PIB l’année prochaine. La France et l’Italie avec l’Espagne sont les pays les moins vertueux de la zone et devraient le rester dans les prochaines années. Par ailleurs, l’Allemagne pourrait légèrement desserrer l’étreinte budgétaire d’autant plus que des élections anticipées pourraient survenir à tout moment au regard des difficultés que connaît la Grande Coalition CDU / CSU / SPD. 

 

Des entreprises bien gérées

La situation financière des entreprises de la zone euro est très favorable. Elles ont rétabli leurs équilibres. Leur taux de marge et leur profitabilité sont corrects. La poursuite de leur désendettement est attendue même si quelques pays, dont la France, dérogent à cette règle. Le nombre de défauts de paiement et de faillites d’entreprise devrait rester faible.

 

Pas de réels risques financiers et immobiliers 

Les actifs financiers sont sous-valorisés au sein de la zone euro. Le PER (« price-earning ratio »  également appelé « ratio cours sur bénéfices ») sur les résultats futurs est inférieur à 14 pour l’Eurostoxx quand il était de 16 en 2008 et de 20 en 2000. Même si l’immobilier est en forte hausse dans plusieurs pays, les ratios prix des maisons par rapport au salaire nominal par tête ou le prix de l’immobilier commercial par rapport au PIB sont inférieurs en 2018 à leur niveau de 2009 de près de 10 points pour le premier et de 5 points pour le second.

Le taux d’endettement des ménages est en baisse au sein de la zone euro. Il est passé de 62,5 à 57,5 % du PIB de 2009 à 2018, la France faisant en la matière exception. Néanmoins, le taux d’endettement des ménages français reste inférieur à la moyenne de la zone euro en s’élevant à 50 % du PIB. 

 

La stabilisation du prix du baril autour de 60 dollars, un point positif pour la zone euro

La zone euro est très sensible aux variations du cours du pétrole. Sa baisse entre 2014 et 2016 a favorisé la reprise économique en améliorant le pouvoir d’achat des ménages et les marges des entreprises.

Sa hausse constatée au premier semestre 2018 a eu l’effet inverse et a contribué au ralentissement économique. Les importations d’énergie représentent 3 % du PIB en 2018 contre moins de 2 % en 2016. Elles avaient atteint 5 % en 2007 et en 2012. Compte tenu de l’état du marché et du tassement de la croissance de l’économie mondiale à 3,5 %, le prix du pétrole (BRENT) pourrait rester proche de 70 dollars dans les prochains mois, prix acceptable tant pour les pays consommateurs que pour les pays producteurs.

 

Récession ou pas récession en zone euro ?

Si des facteurs internes peuvent conduire à une accentuation du ralentissement constaté depuis le début de 2018, d’autres peuvent jouer, au contraire, en faveur d’une accélération de la croissance.

La zone euro restera néanmoins dépendante tout à la fois de l’évolution des sanctions commerciales des États-Unis, du prix du pétrole et des modalités de sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne.

La gestion de la crise sociale, en France, pourrait conduire à un accroissement de la demande intérieure mais entraînerait une augmentation sensible des déficits, déficit commercial et déficit public. 
 

 

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