22.01.2019

La dépendance

L’autre grand chantier du gouvernement

L’année 2019 devrait être consacrée à la réforme des retraites mais le Gouvernement s’est aussi engagé à légiférer sur le sujet très sensible de la dépendance. Annoncée à maintes reprises au cours de ces dix dernières années, la « grande loi » sur la prise en charge de la perte d’autonomie pourrait être donc discutée en 2019.

 

La ministre des Solidarités et de la Santé, Agnès Buzyn, a engagé, début octobre, une consultation publique pilotée par Dominique Libault, Président du Haut Conseil du financement de la protection sociale, en vue de recueillir les avis et les idées de citoyens sur la prise en charge des personnes âgées. Le Gouvernement sera amené à aborder la question du financement, les modalités de prise en charge et les moyens humains mis à disposition sachant que d’ici le milieu du siècle le nombre de personnes dépendantes pourrait être multiplié par deux. 

 

La notion de dépendance renvoie à l’idée d’un besoin de soins de santé mais aussi d’assistance à la vie quotidienne. Ces besoins relèvent globalement du champ de la protection sociale, mais la dépendance ne constitue pas, dans de nombreux pays, un risque social identifié en tant que tel.

 

Du fait de l’absence de définition internationalement reconnue de la dépendance, le recours aux données épidémiologiques peut apparaître le plus adapté pour mesurer son ampleur. Selon l’enquête European Statistics on Income and Living Conditions, qui permet de mesurer l’incapacité générale, telle que perçue par les personnes (« Êtes-vous limité(e), depuis au moins six mois, en raison d’un problème de santé, dans vos activités habituelles ? »), près de 18 % des habitants âgés de plus de 65 ans au sein des pays de l’OCDE – hors personnes vivant en institution – souffriraient en 2015 de limitations graves dans leurs activités quotidiennes (« oui, fortement limité(e) ») et près de 33 % d’entre eux de certaines limitations (« oui, limité(e) »). Cette proportion serait la plus faible en Suède (5,8 %), suivie de l’Allemagne (12,7 %). Elle serait légèrement supérieure en France (19,3 %), au Royaume-Uni (21,8 %) et en Italie (23,8 %). En règle générale, les taux les plus élevés sont enregistrés dans les pays d’Europe orientale tels que la Lettonie et la Slovaquie.
 

Limitations dans les activités quotidiennes, population âgée de plus de 65 ans,

Pays européens, 2015 (ou année la plus proche)

Indicateurs OCDE

L’OCDE utilise une autre grille d’analyse pour apprécier l’importance de la dépendance. Elle prend comme référence le besoin d’une aide extérieure, pendant une longue période pour les activités de la vie quotidienne (AVQ) élémentaires, mais aussi pour les activités instrumentales de la vie quotidienne (AIVQ).

 

Ces données sont néanmoins difficiles à recueillir pour certains pays, rendant les comparaisons difficiles. Ainsi, selon l’OCDE, 13 % des personnes âgées de plus de 65 ans recevaient, en 2015, des soins de longue durée. Leur proportion variait de 2 % au Portugal à 6 % en Estonie et à plus de 20 % en Israël et en Suisse. En Allemagne, elle était de 13,4 % et en Suède de 17 %. En France, cette proportion était de 10,3 %. Les écarts de taux peuvent s’expliquer par le niveau de prise en charge de ces soins par le système de protection sociale. Par ailleurs, les normes culturelles, en particulier le rôle de la famille, influent sur le recours aux services de protection sociale.

 

Selon la classification de l’OCDE, la France a consacré 1,7 % de son PIB à la dépendance, soit juste au-dessous de la moyenne qui est de 1,8 %. Les pays dépensant le plus sont les Pays-Bas (3,7 %) et la Suède (3,2 %). Les dépenses de dépendance sont, en revanche, assez faibles en Hongrie, en Estonie, en Pologne, en Israël ou en Lettonie avec des rations inférieures à 0,5 % du PIB. En Allemagne, l’effort en faveur de la dépendance représente 1,3 % du PIB. Il s’élève 1,5 % au Royaume-Uni, à 0,8 % en Espagne et à 0,7 % en Italie. Ces ratios n’intègrent pas la contribution privée qui peut atteindre dans certains pays plus de 30 % des dépenses. 

 

En France, les dépenses liées à la dépendance font depuis l’objet d’un compte de la dépendance régulièrement actualisé par la DREES. Ce compte récapitule le surcroît de dépenses sociales et fiscales lié à la perte d’autonomie des personnes âgées de 60 ans ou plus, supporté par les pouvoirs publics et les ménages, en matière de soins de santé, d’aide à la prise en charge spécifique de la perte d’autonomie (dimension médico-sociale) et d’hébergement.

 

En 2014, ce coût – hors gîte et couvert – avait été évalué à 30 milliards d’euros soit 1,4 % du PIB. Chacune des trois composantes en représentait environ le tiers, l’hébergement en établissement constituant la composante la plus dynamique depuis 2010. Les pouvoirs publics (sécurité sociale, État et collectivités locales) participaient à près de 70 % au financement, le reste représentant l’effort consenti par les ménages.

 

 

Les différentes réponses à la dépendance

Les systèmes de prise en charge de la dépendance ont été mis en œuvre progressivement dans les différents pays européens. Ces systèmes sont très divers en fonction des pays, en lien avec les places respectives de l’État, de la famille et du marché, mais aussi les relations entre les échelons locaux et nationaux. Certains pays disposent de systèmes de prise en charge des personnes dépendantes depuis près de 60 ans comme au Danemark, en Suède ou aux Pays-Bas. Dans d’autres pays comme la France, l’Allemagne ou le Royaume-Uni, les pouvoirs publics ont mis en œuvre des systèmes de prise en charge à partir des années 90.

 

Autrefois, le risque dépendance dont l’ampleur était moindre était pris en charge essentiellement par les familles, en particulier dans les États latins. Du fait de la montée en puissance du problème, les législations sont encore évolutives.

 

Au sein de l’OCDE, les pouvoirs publics, au sens large du terme, assurent plus des quatre cinquièmes des dépenses en matière de dépendance. Seules 17,2 % des dépenses sont prises en charge par les ménages quand les régimes de protection sociale en assurent 21 % et 61 % par les impôts. Dans les pays d’Europe du Nord, l’impôt est prépondérant (autour de 90 %). En revanche, en Allemagne, pays dans lequel a été créé un régime d’assurance autonome, le financement est assuré à 60 % par les cotisations. En France, le poids de l’impôt est de 37 % et celui des assurances sociales de 46 %.

 

L’OCDE distingue trois catégories de système :

 

  • Le système appelé universel couvre tous les individus concernés quelle que soit leur situation financière. Ce système existe en Allemagne, aux Pays-Bas, au Japon, au Danemark et en Suède. Pour ces deux derniers pays, le financement repose sur l’impôt ;
  • Le système de couverture assistance garantit un filet de sécurité pour les plus démunis. Ce système est en vigueur au Royaume-Uni et aux États-Unis ;
  • Le système mixte garantit des prestations à un grand nombre de personnes mais en prenant en compte le niveau de ressources. Ce système a été retenu par la France et la Belgique.

 

Aux États-Unis et en Italie, la couverture dépendance est en partie décentralisée. Les conditions peuvent varier d’un État à un autre. En France, même si les départements sont en charge du versement de l’Allocation Personnalisée d’Autonomie, les règles d’obtention sont nationales.

 

Avec le vieillissement de la population, la dépendance est amenée à s’accroître en France comme chez ses partenaires. Mais, d’un pays à l’autre, la définition de la dépendance n’est pas la même, rendant complexes les comparaisons.


Selon la Commission européenne, les dépenses liées à la dépendance augmenteront, pour l’ensemble des États membres, de 1,6 % du PIB en 2013 à 2,7 % du PIB en 2060. En Allemagne, elles passeraient de 1,4 % du PIB en 2013 à 2,9 % du PIB en 2060. Pour la Suède, les taux respectifs seraient de 3,6 % du PIB et 5,1 %. En France, les dernières projections des dépenses réalisées par la DREES évaluent les dépenses de dépendance à 2 points du PIB en 2060. Elles s’élèveraient à 1,4 point en 2030 et à 1,8 point de PIB en 2045. Un projet de loi est attendu en 2019 pour la France afin de revoir les modalités du financement de la dépendance.

 

Au sein des pays de l’OCDE, les retraités sont de plus en plus mis à contribution pour financer le système de dépendance. C’est ainsi le cas en Allemagne, au Japon et en France. Dans plusieurs pays, des réflexions existent au sujet du développement d’assurances privées. L’aléa moral ou le principe d’antisélection pose la question de l’obligation d’une telle couverture assurantielle. De même, la question de la mobilisation du patrimoine est souvent mise en avant sans pour autant déboucher sur des solutions concrètes.

 

La question du financement de la dépendance est très liée à celle de l’hébergement. Si les Français sont attachés à l’idée de pouvoir demeurer le plus longtemps possible à leur domicile, les pertes d’autonomie peuvent les contraindre à passer les derniers moments de leur vie dans un établissement spécialisé. Or, du fait que les établissements d’hébergement pour personnes âgées (EHPAD) accueillent des personnes fortement dépendantes, les coûts d’hébergements sont élevés et croissants. Malgré la mise en place de l’Allocation personnalisée d’autonomie, un nombre non négligeable de familles rencontrent des problèmes financiers quand un de leurs proches est placé en institution.

 

L'enquête menée en 2016 par la DREES auprès de 3 300 seniors résidant en EPHAD nous rappelait qu’une personne sur trois est obligée de puiser dans son épargne ou de vendre une partie de son patrimoine pour assumer la prise en charge de sa perte d’autonomie. Pour un résident sur deux en EPHAD, le coût médian mensuel de l’accueil en institution et des services et soins associés s’élève à 1 850 euros après perception des allocations et des contributions des obligés alimentaires.

 

Des écarts entre le statut de l’établissement existent. Dans les établissements privés à but lucratif la participation financière médiane des bénéficiaires est de 2 420 euros contre, 1 790 euros dans les établissements publics hospitaliers et 1 730 euros dans les établissements publics non hospitaliers.
 
 

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