18.01.2018

Enjeux et contours du régime universel de retraite

la France compte encore une trentaine de régimes de base et une centaine de régimes complémentaires [...]

La France pays des fromages et des régimes de retraite. Certes, les premiers sont plus nombreux que les seconds. Il n’en demeure pas moins que la France compte encore une trentaine de régimes de base et une centaine de régimes complémentaires. L’idée d’un regroupement, ou du moins d’un rapprochement, a été à maintes reprises énoncée, sans pour autant être traduite en actes. Emmanuel Macron a fait sienne l’idée de la fusion en l’intégrant dans son programme présidentiel. Le Premier Ministre Édouard Philippe, lors de la présentation de l’agenda de travail du gouvernement, le 3 janvier dernier, a confirmé l’engament des travaux sur la réforme des retraites avec, comme objectif, la mise en place « d’un système plus juste, plus lisible et qui verra son équilibre financier garanti » avec un «début de discussion prévu au début du premier semestre, discussion qui sera amenée à se poursuivre tout au long de l'année.» L’année dernière, le Premier Ministre avait indiqué que le Gouvernement veillera à préserver les équilibres du système de retraite, tout en le rendant plus juste et plus lisible.

 

La volonté du Président de la République et du Gouvernement de modifier les règles de calcul des retraites constitue une rupture par rapport au processus de réformes mené depuis 1993. Les pouvoirs publics avaient, jusqu’à maintenant, toujours privilégié des mesures d’ordre paramétrique. En un quart de siècle de réformes, la quasi-totalité des curseurs des régimes par répartition avait été modifiée sans pour autant remettre en cause leurs grands principes. Ainsi, les pouvoirs publics ont agi sur la durée de cotisation, l’âge légal de départ à la retraite, les règles d’indexation, etc. Une convergence entre les différents régimes de base a bien été entreprise mais tout en ne touchant qu’à titre exceptionnel aux structures. Des regroupements ont été opérés ou sont en cours d’être réalisés avec l’intégration du RSI au régime général ou la fusion de l’AGIRC et de l’ARRCO.

 

L’unification des régimes de retraite est un chantier qui peut potentiellement concerner tous les actifs travaillant en France, soit plus de 30 millions de personnes auxquelles il faut ajouter les 16 millions de retraités. Certes, le montant de leurs pensions ne sera pas impacté par cette réforme mais ils pourraient changer à terme d’organisme gestionnaire.

 

Face à cette éventuelle réforme, les Français sont assez dubitatifs et attentistes. Selon une étude réalisée à la fin de l’année 2017 par le Ministère de la Santé et des Solidarités, plus de huit Français sur dix (84 %) sont certes favorables à une harmonisation des régimes de retraite, mais seulement 40 % se prononcent pour un régime unique. 39 % estiment «qu’il ne devrait y avoir qu’un seul régime de retraite avec des caractéristiques identiques pour tous». 45 % se prononcent pour «un socle commun de retraite (…) gardant certaines différences selon le statut professionnel». Seules 16 % des personnes interrogées préfèrent ainsi «des régimes différents pour tenir compte des différences de statut professionnel». Les inactifs, notamment les retraités, préconisent le régime unique pour 44 % d’entre eux, contre 35 % des actifs. Chez ces derniers, le régime unique est davantage plébiscité par les ouvriers (49 %) que par les cadres et professions libérales ou professions intermédiaires (24 % dans les deux cas). Les salariés du public, sont moins favorables au régime unique (26 %) que les salariés du privé (36 %). Ils privilégient à 57 % d’entre eux pour un socle commun avec des différences selon le statut.

 

90 % des sondés considèrent comme « normal qu’une personne ayant commencé à travailler plus jeune puisse partir à la retraite plus tôt ». Les Français sont en revanche bien plus divisés concernant «la prise en compte des différences d’espérance de vie» : en 2015, la moitié ne souhaitait pas que «les cadres cotisent plus longtemps que les ouvriers afin de tenir compte des différences d’espérance de vie entre ces catégories».

 

Les Français souhaitent davantage d’équité mais pas obligatoirement l’alignement totale sur un même et seul régime. Quoi qu’il en soit, en modifiant les règles de calcul des pensions, la réforme provoquera des transferts de droits. Il y aura des gagnants et des perdants et pas nécessairement ceux auxquels on croit. Les gagnants sont, en règle générale, assez discrets quand les potentiels perdants sont, par définition, plus vindicatifs.

Les préalables de la réforme

Pour le régime unique, il n’y a pas de solution unique et encore moins de méthode unique. En effet, le champ de la réforme peut être plus ou moins large, les modalités de calcul des pensions sont multiples et enfin la période de passage de l’ancien régime au niveau régime peut être plus ou moins longue. De nombreux points techniques devront être tranchés. Des regroupements et des réorganisations seront nécessaires. Par ailleurs, la réforme supposera le règlement d’un certain nombre de problèmes juridiques. Les régimes de retraite sont gérés par des caisses ayant leur propre personnalité morale. Il faudra régler non seulement les questions liées au statut des différentes catégories de personnel en charge de la gestion des retraites mais aussi celles liées à la gestion des données, à  la reconstitution des carrières, à la collecte des cotisations, etc.

 

La problématique du calendrier

 

Le système de retraite français comporte 37 régimes de base et une centaine de régimes complémentaires.

 

Si depuis 1993, l’administration a renforcé son influence sur les régimes de base, le paritarisme reste la règle. L’AGIRC et l’ARRCO qui fusionnent par ailleurs au 1er janvier 2019, sont ainsi gérés de manière paritaire.

 

Le big-bang des retraites concernera un très grand nombre d’acteurs, des salariés aux indépendants en passant par les fonctionnaires de l’État, des collectivités locales et des hôpitaux, par les bénéficiaires des régimes spéciaux, les agriculteurs et par les professions libérales. Une telle réforme transverse suppose une multitude de négociations.

 

À ce titre, afin d’épauler la Ministre des Solidarités le Président de la République, Emmanuel Macron, a nommé Jean-Paul Delevoye en tant que Haut-Commissaire aux retraites. Les premières réunions de négociation ont commencé fin novembre.

 

Des hésitations semblent se faire jour au sujet du calendrier. Initialement, il était prévu que le texte de la réforme soit finalisé au courant du 1er semestre 2018 en vue d’une adoption avant la fin de l’année. Un possible report sur 2019 est désormais évoqué. Mais plus la discussion durera, plus le risque d’une montée des oppositions et de leur cristallisation sera fort. Si les Français approuvent en théorie le régime unique, ils peuvent changer d’avis à partir du moment où seront mis sur le devant de la scène les éventuels changements qu’ils seront amenés à subir. Le conservatisme l’emporte bien souvent sur le réformisme. De ce fait, le Gouvernement, s’il souhaite effectuer le big bang des retraites, devra prendre son temps mais pas trop.

 

Le calendrier de la mise en œuvre de la réforme

Le passage d’un régime à prestations définies reposant sur un grand nombre de régimes à un système unique par points ne peut être réalisé d’un coup de baguette magique. Il est difficile d’imposer ce nouveau système à des actifs de plus de 55 ans. Par ailleurs, il pourrait être difficile de reconstituer rapidement au sein de la fonction publique l’ensemble des carrières. Une période transitoire sera sans nul doute instituée pour passer d’un système à un autre. Les pays européens qui ont, ces dernières années, mené des réformes systémiques ont prévu des dispositifs de transition. En 1998, la Suède, pour la mise en place des « comptes notionnels », a prévu une période transitoire qui a duré 17 années. L'Italie avait, en 1995, décidé de réaliser sa grande réforme des retraités sur 40 ans. Sur la pression de Bruxelles, ce délai a été légèrement réduit. En Allemagne, le passage d'un régime par annuités à un régime par points en 1992, a, en revanche, été instantané, avec une conversion d’emblée des droits anciens.

 

Le périmètre de la réforme

 

Le Gouvernement, avec les partenaires sociaux, devra fixer le périmètre de la réforme. Ne concernera-t-elle que les régimes de base ou intégrera-t-elle les régimes complémentaires ? Les régimes spéciaux et le système de la fonction publique auront-ils vocation dès le départ à se fondre dans le régime unique ?

 

Au-delà de la question du périmètre, fonction de la méthode choisie, toutes les solutions sont envisageables. Les déclarations du nouveau Président de la République peuvent donner lieu à plusieurs lectures. Il a en effet indiqué que « nous créerons un système universel de retraites où un euro cotisé donne les mêmes droits, quel que soit le moment où il a été versé, quel que soit le statut de celui qui a cotisé ». Dans une interview donnée au quotidien du Parisien, il s’était prononcé clairement en faveur de la fusion des 37 régimes de base. Il s’est également déclaré, au moins une fois, favorable à la mise en place d’un système par points en comptes notionnels comme en Suède.

 

Quels sont les régimes concernés ?

 

La logique de la création d’un régime unique repose sur une fusion de tous les régimes, de base. Depuis 2003, un processus de convergence a été engagé qui facilitera la migration. Cette dernière devrait concerner non seulement le régime général, les différents régimes des TNS. Malgré la convergence de ces dernières années, cette fusion posera des problèmes de taux et de niveau de pension car aujourd’hui, des différences sensibles existent d’un régime à un autre.

 

Le maintien des régimes spéciaux atténuerait l’effet psychologique de la réforme. L’objectif est d’appliquer des règles communes de calcul des pensions pour le plus grand nombre de Français. Les régimes dits « spéciaux » sont, pour rappel, des régimes préexistant au régime général instauré en 1945. Les deux principaux secteurs à régime spécial sont les chemins de fer et l’énergie.

 

L’intégration des régimes de la fonction publique, État, militaire, territoriale et hospitalière est un des éléments clefs de la feuille de route de la réforme. Une telle réforme concernera les 5 millions de fonctionnaires en activité.

 

L’intégration des régimes complémentaires

Toutes les catégories sociales ont accès à un régime complémentaire à l’exception des fonctionnaires, sauf à considérer que le Régime Additionnel de la Fonction Publique en est un (les cotisations ne sont perçues que sur une partie des primes versées aux fonctionnaires).

 

Le Gouvernement semble avoir tranché en faveur d’une intégration des régimes complémentaires au sein du nouveau régime unique. Mais, lors du débat qui l'a opposé à Marine Le Pen le 3 mai dernier, Emmanuel Macron a indiqué « je ne propose pas du tout de toucher aux complémentaires », en expliquant qu'il visait « déjà un régime sur la base qui soit le même pour tout le monde ».

 

La fusion pose évidemment la question de la transformation juridique des institutions de retraite complémentaire qui sont des organismes paritaires, dotés de la personnalité morale.

L'architecture du nouveau régime

 

Le régime par points : Les modalités de calcul des pensions

 

Le nouveau régime unique devrait prendre la forme d’un système par points qui offre de nombreux avantages en matière de pilotage.

 

Les actifs accumulent sur un compte retraite des points qui sont fonction de leurs cotisations. Au moment de la liquidation, les points accumulés sont convertis en rente en prenant en compte la valeur de rachat du point.

 

Ce système remplacera le système par annuités en cours au sein de nombreux régimes de base. L’ensemble de la carrière sera pris en compte quand aujourd’hui, pour calculer la pension de base, seules les 25 meilleures années sont retenues.

 

Pour l’attribution des points, deux options sont possibles : soit les cotisations servent à acheter des points selon un tarif fixé par avance, soit attribution de points et montant des cotisations sont disjoints. Les cotisations visent à payer les pensions des actuels retraités. Les points pourraient être attribués selon d’autres critères, montant du salaire annuel, pénibilité, etc.

 

Le recours au compte notionnel ?

Emmanuel Macron a indiqué durant la campagne que le nouveau régime français pourrait être en comptes notionnels. Ainsi, chaque assuré aurait un compte retraite sur lequel seraient versés ses points. Au moment de la liquidation, la pension est calculée en fonction de l’espérance de vie à la retraite de la génération à laquelle appartient l’assuré. Ce mode de calcul permet une neutralité actuarielle. Avec l’augmentation de l’espérance de vie, le montant de la pension annuelle versée se réduit.

 

Le régime par points et en particulier celui en comptes notionnels peut s’affranchir des durées de cotisation et des âges légaux de départ à la retraite. En effet, un assuré partant tôt bénéficiera d’une pension moindre par rapport à celui qui décide de rester en activité. Néanmoins, au sein des pays ayant mis en place de tels régimes, des âges butoirs ont été conservés afin de garantir un minimum de pension.

 

La problématique du passage d’un système à l’autre

 

Le Gouvernement devra fixer les règles de transition d’un système à un autre. Trois options sont envisageables. Si pour les actuels retraités, le basculement ne devrait pas avoir d’incidences, tel ne serait pas le cas pour les actifs. Il est admis que les actifs qui se situent de 5 à 10 ans de l’âge ne seraient pas concernés par la réforme. En revanche, pour tous les autres, le transfert suppose l’adoption d’un dispositif leur permettant de garantir un certain montant de pension compte tenu de la carrière professionnelle passée.

 

La première option consisterait à réserver le nouveau système aux nouveaux entrants dans la vie active. Cette solution n’a guère de chance d’être retenue car la transition durerait plus de 40 ans.

 

La deuxième option repose sur la méthode du maintien des « droits acquis ». Elle consiste à calculer la pension acquise dans l’ancien régime à la date de transformation et à la convertir en nombre de points ou en capital virtuel initial. Cette méthode est particulièrement appropriée dans le cas de la transition immédiate. Elle pose néanmoins des difficultés d’estimation puisqu’elle nécessite de faire des hypothèses sur les conditions de liquidation dans le régime en annuités (salaire de référence, durée d’assurance, âge de départ à la retraite…) alors que la carrière n’est pas achevée.

 

La dernière option repose sur la méthode de la valorisation des cotisations passées. Elle consiste à accorder des droits dans le nouveau régime (un capital virtuel ou un nombre de points) en fonction des cotisations correspondant à la période d’activité passée dans l’ancien régime. Cette méthode est particulièrement appropriée dans le cas de la transition progressive avec affiliation simultanée. Elle nécessite de disposer d’un historique des cotisations ou rémunérations individuelles ou, à défaut, d’utiliser des proxies (reconstitutions approximatives) pour calculer le capital virtuel initial ou le nombre de points sur la base de carrières individuelles approchées. Lorsque le taux de cotisation a beaucoup augmenté dans le passé, cette méthode peut conduire à attribuer de faibles pensions aux salariés les plus âgés ; un taux de cotisation plus élevé (par exemple celui du nouveau régime en points ou en comptes notionnels), combiné à l’historique des rémunérations passées, peut alors être retenu pour appliquer la méthode.

 

Un euro cotisé donnera-t-il des droits identiques ?

 

Un euro cotisé permettra-t-il d’obtenir les mêmes droits ? Comment apprécier la notion de droits, droits annuels, droits tout au cours de la retraite ? En effet, un ouvrier a une espérance de vie inférieure à celle d’un cadre supérieur. Faut-il prendre en compte les espérances de vie par catégorie sociale ? Une telle option serait complexe. Des majorations de points pourraient être prévues.

 

Le système de retraite par répartition actuel garantit près de 80 % du dernier salaire pour les actifs se situant à proximité du SMIC quand ce taux est de 50 % pour les cadres. Le changement de système garantira, sans nul doute, le montant des pensions versées aux salariés les plus modestes.

 

La question des travailleurs non-salariés

Depuis le 1er janvier 2018, le régime des indépendants, le RSI, est transféré au régime général de l’assurance-vieillesse. Ce transfert concerne le régime de base et le régime complémentaire (même si pour ce dernier les indépendants en conservent la direction). De ce fait, en cas de création de régime universel de retraite, les indépendants seront concernés. Mais les indépendants comme les professions libérales et les exploitants agricoles devraient conserver certaines spécificités comme les taux de cotisation. Un alignement sur les règles du régime général pourrait entraîner une augmentation substantielle de leurs charges.

 

Le big bang des retraites pour la fonction publique

La transition d’un système à prestations définies à un système à cotisations définies sera par nature complexe.

 

Aujourd’hui, les fonctionnaires d’État n’ont pas de régime complémentaire ; leur retraite est acquittée non pas par une caisse autonome mais par le budget. Certains posent le problème de la reconstitution des carrières pour le calcul des pensions. Même si les bases de données n’existent pas, elles doivent être réalisables dans un délai raisonnable.

 

L’abandon de la règle de la pension égale à 75 % des traitements des six derniers mois suppose que dans le nouveau système les fonctionnaires s’y retrouvent sans pour autant créer de nouvelles inégalités de traitement avec les autres actifs.

 

L’intégration des primes dans le calcul de la future pension est suggérée comme moyen de négociation. Néanmoins, le niveau des primes étant différent d’un ministère à un autre, un taux réel de remplacement se situant entre 60 et 72 % pourrait être calculé. Ce taux serait alors retenu comme base pour le futur régime. La question du régime additionnel de la fonction publique se posera. Créé par la loi Fillon de 2003, ce régime permet aux fonctionnaires de cotiser sur une partie de leurs primes. En raison de sa montée en charge progressive, ce régime fonctionne comme un fonds de pension. Il pourrait devenir le deuxième pilier de la retraite de la fonction publique.

 

Du fait de la pyramide des âges des fonctionnaires et des montants de pension, le coût de leurs pensions pour le futur régime universel pourrait être important. Sans subvention d’équilibre, il est probable que les salariés du privé soient amenés à financer la retraite du secteur public.

 

Quel avenir pour les dispositifs de solidarité ?

Plusieurs dispositifs sociaux ou de solidarité existant dans le système actuel devront être reconduits dans le nouveau régime universel. Les congés maternité donneront droit à l’attribution de points. Les périodes de chômage, d’invalidité et maladie devront être également sources de points. Le dispositif de majoration de durée d’assurance pour enfant devra être également revu.

 

Les assurés qui n’auront pas suffisamment cotisé bénéficieront ils comme aujourd’hui d’un minimum contributif ?

 

Par ailleurs, le passage du système par points supposera également la refonte de la réversion qui assure une part non négligeable des revenus des retraitées femmes. L’unification des règles de réversion qui diffèrent aujourd’hui selon les régimes de retraite, sera sans nul doute une source de simplification.

 

La mise en place d’un régime en comptes notionnels en Suède s’est traduite par une augmentation du taux de pauvreté chez les retraités. Il en a été de même avec la réforme allemande. En prenant en compte l’ensemble de la carrière et non les vingt-cinq dernières années ou les six derniers mois, les assurés ayant des carrières incomplètes ou ayant connu des périodes à faibles rémunérations seront pénalisés.

 

La gouvernance du nouveau régime universel de retraite

 

Même si depuis 1995, le paritarisme est en recul, en particulier pour les régimes de base, il reste un des piliers de l’assurance-vieillesse. Les régimes AGIRC-ARRCO sont gérés de manière paritaire comme le prouvent les décisions prises dans le cadre de l’Accord National Interprofessionnel. Les autres régimes dont le RSI ou la mutualité agricole disposent d’instances représentatives.

 

L’unification des régimes de retraite s’accompagnera-t-elle du maintien d’un minimum de paritarisme ? Comment gérer un système unique avec des actifs relevant de statuts différents ? S’il est difficile de prévoir une gestion collégiale associant les différents statuts professionnels, l’existence d’instances représentatives permettrait l’organisation de consultations en cas de modifications du régime. Qui sera compétent pour fixer les règles d’indexation des pensions ainsi que la valeur d’achat et de rachat des points ? L’État, le Parlement, la direction du régime unique ?

 

La question des équilibres financiers et du financement

 

Emmanuel Macron a indiqué à plusieurs reprises qu’il ne modifierait pas durant son premier quinquennat les paramètres du système de retraite et en particulier l’âge de départ à la retraite.

 

Les simulations du Conseil d’Orientation des Retraites sont contrastées. Si en juin, elles prévoyaient un déficit accru à court terme des régimes de retraite, elles se révèlent plus optimistes en cette fin d’année 2017. Compte tenu de l’amélioration de la conjoncture, du gel des pensions et des augmentations de cotisation décidées ces dernières années, les régimes de retraite devraient rester en quasi-équilibre ces prochaines années, ce qui facilitera l’engagement de la réforme. Néanmoins, à moyen terme, au vu des évolutions démographiques, un déséquilibre ne peut que survenir, et nécessitera des ajustements. La transition devant s’étaler sur 5 à 10 ans, des dispositions devront être prises pour maintenir le cap. Si le report de l’âge de la retraite n’est pas, malgré son efficacité, d’actualité, le Gouvernement pourra jouer sur les cotisations ou les règles d’indexation.

 

Le financement du régime unique

Le passage à un régime par points pose également la question du mode de financement. A priori, le système devrait rester essentiellement financé à partir des revenus professionnels. Pour autant, avec le remplacement du CICE par un allègement de charges sociales, l’État a décidé de supprimer des cotisations AGIRC – ARRCO, ce qui signifie que le manque à gagner sera pris en charge par le contribuable national et donc par l’impôt. Dans ces conditions, comment s’effectuera l’achat de points pour les salariés qui seront exonérés de cotisations quand le régime unique sera réalisé ? Comment l’État s’acquittera de ses cotisations au titre de ses salariés ? Comment le Fonds de Solidarité Vieillesse s’articulera avec le régime unique ?

 

La mise en place de régimes professionnels au niveau des entreprises ou au niveau des branches pourrait être une solution afin d’éviter une chute du taux de remplacement et du niveau de vie des retraités. Selon les évaluations du Conseil d’Orientation des Retraites, le niveau de vie des retraités devrait baisser d’ici 2040 et passer en dessous de la moyenne nationale.

 

Compte tenu de la complexité du système français, l’élaboration de la réforme exigera du temps. Par ailleurs, la phase de transition pourrait être plus longue que prévu. Une dizaine d’années sera sans nul doute nécessaire. La gouvernance et le pilotage seront des enjeux importants de la réforme. Le régime unique risque de réduire le paritarisme qui, certes, pourra étendre son champ d’action avec la création d’un deuxième pilier sous réserve d’un accord entre les partenaires sociaux. Un système de retraite par capitalisation collective avec une sortie en rente devrait être privilégié.

 

La fusion des régimes de retraites nécessitera un effort important en matière de logistique notamment informatique. Il faudra, en outre, assurer la fusion d’un grand nombre de structures. Le régime unique devra gérer des personnels issus des différentes caisses existantes. Il y aura donc un défi ressources humaines de première importance.

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