16.07.2021

Retraite, réouverture ou pas du chantier ?

Le débat sur l’adoption d’éventuelles mesures paramétriques est à nouveau ouvert

En 2020, selon le Conseil d’Orientation des Retraites (COR), 338 milliards d’euros de pensions ont été versés à plus de 16 millions de retraités. Le système de retraite a enregistré un déficit de 18 milliards d’euros, ramené à 13 milliards d’euros après un transfert de 5 milliards d’euros issus du Fond de Réserve des Retraites.

 

Ce déficit est inférieur aux prévisions réalisées par le COR en juillet (-29 milliards d’euros) et novembre dernier (-25 milliards d’euros). Ce moindre déficit est imputable à la reprise de l’activité intervenue à compter du troisième trimestre 2020.

 

Pour 2021, le COR évalue le déficit entre 7 et 10 milliards d’euros, soit 0,3 % à 0,4 % du PIB. Au-delà de 2021, le déficit pourrait s’élever entre -0,7 % du PIB et -1 % du PIB en fonction de l’évolution du taux de croissance. Dans un contexte de forte augmentation des dépenses publiques, le débat sur l’adoption d’éventuelles mesures paramétriques est à nouveau ouvert. 

 

Parmi les mesures paramétriques permettant de rééquilibrer les comptes des régimes de retraite figurent le report de l’âge légal de départ à la retraite et l’allongement de la durée de cotisation. La France a utilisé les deux dispositifs depuis 1993 avec une préférence pour l’allongement des durées de cotisation. Ce dernier est passé depuis 1993 de 37,5 à 43 ans (qui sera applicable aux générations nées après 1973). L’âge légal a été porté de 60 à 62 ans par la réforme de 2010 entraînant le report de l’âge de la retraite à taux plein de 65 à 67 ans. 

 

Le débat actuel porte essentiellement sur un éventuel report progressif de l’âge légal à 64 ans. Pour le moment, il n’a pas été indiqué si ce report entraînerait celui de l’âge de la retraite à taux plein de 67 à 69 ans, ce qui constituerait une limite élevée. En lieu et place de l’augmentation de l’âge de départ à la retraite de deux ans, un allongement de la durée de cotisation est également avancé.

 

Ce dernier pourrait consister en une accélération de la réforme Touraine qui prévoit de porter la durée de cotisation de 42 à 43 ans dans les prochaines années voire à 44 ans.

  Un âge de départ précoce à la retraite en France

Pour l’ensemble des actifs, quel que soit leur statut, l’âge effectif de départ à la retraite était, en 2019, de 62 ans et un mois.

 

Pour les salariés du régime général (CNAV), il était de 62,8 ans (62,5 ans pour les hommes et 63 ans pour les femmes). Il était de 61 ans dans la fonction publique d’État et la fonction publique territoriale, de 57,7 ans dans les industries électriques et gazières, de 56,9 ans à la SNCF et de 55,7 ans à la RATP.

 

Les Français sont, avec les Belges, ceux qui partent le plus tôt à la retraite. La moyenne au sein de l’OCDE se situe autour de 65 ans. La France possède la durée de retraite moyenne la plus longue au sein de l’OCDE, 25 ans. 

  Avantages et inconvénients des formules 

Le report de l’âge légal, comme l’allongement de la durée de cotisation, diminue le montant global des retraites à verser. Ils contraignent les actifs à travailler plus longtemps. Si leurs objectifs sont les mêmes leurs effets diffèrent.

 

Le report de l’âge légal a un effet plus fort, plus direct que l’allongement de la durée de cotisation

Il s’applique à tous les actifs. Il a un effet immédiat. Il réduit le nombre de départs surtout pendant la phase d’entrée en vigueur de la mesure. Ceux qui auraient pu partir à 62 ans devront attendre 64 ans. L’allongement de la durée de cotisation, a un impact financier moindre. Il est, de plus, possible de s’en soustraire au prix d’une pension amputée en faisant le choix de partir dès l’âge d’ouverture des droits à la retraite.

 

L’un comme l’autre peut conduire à l’augmentation du montant annuel des pensions. En effet, en cotisant plus longtemps, les actifs accroissent leurs droits (régime de base et surtout régimes complémentaires). Malgré tout, le bilan net est favorable aux régimes de retraite sous réserve que le taux d’emploi des seniors progresse.

 

Le report de l’âge légal et l’allongement de la durée de cotisation peuvent provoquer une augmentation des dépenses de prévoyance et d’allocation chômage. Avec la montée en âge des salariés, le risque d’invalidité augmente fortement. Le report de 60 à 62 ans aurait ainsi provoqué un surcoût de deux milliards d’euros. En matière de chômage, avant de pouvoir liquider leurs pensions, les actifs peuvent être contraints de connaître une période de chômage. Néanmoins, le report ou l’allongement augmente le nombre de cotisants, des cotisants se trouvant en fin de carrière avec généralement des rémunérations plus élevées. Le gain du passage de 60 à 62 ans a été évalué à 20 milliards d’euros contre 10 milliards d’euros pour un allongement de la durée de cotisation d’un an à l’horizon 2040.

 

L’allongement de la durée de cotisation est jugé plus juste socialement en permettant à ceux qui ont commencé à travailler jeune de partir plus tôt à la retraite. Or, en règle générale, ceux qui ont travaillé tôt ont une probabilité plus forte d’avoir été confrontés à des métiers pénibles. Cependant, ce caractère social jouera de moins en moins à l’avenir avec la forte augmentation du nombre de diplômés de l’enseignement. Plus de la moitié des jeunes générations atteint désormais ce niveau de formation. L’âge moyen d’arrivée sur le marché du travail dépasse 22 ans. L’allongement à 43 ans place, de ce fait, l’âge logique du départ effectif à 65 ans. Compte tenu des problèmes d’emploi des séniors, l’allongement de la durée de cotisation risque de provoquer une augmentation des trimestres manquants et donc celle de la décote applicable. Les actifs ayant des emplois à faible qualification sont les plus exposés au risque chômage en fin de carrière. L’allongement de la durée de cotisation pénalise par ailleurs les diplômés dont l’apport économique est important.

 

Il est fréquemment affirmé que le maintien en emploi des seniors nuirait aux jeunes. Les pays qui ont les âges effectifs de départ à la retraite les plus élevés se caractérisent par un taux de chômage des jeunes faible. L’emploi des jeunes obéît à des facteurs qui ne dépendent pas exclusivement de celui des seniors. Le niveau de la formation, la croissance, la nature des emplois créés sont des facteurs bien plus importants.

  Que souhaitent les Français ?

Selon une enquête citée par le quotidien "Les Échos" du 5 juillet 2021, l’âge idéal de départ en retraite est de 58 ans. Ce résultat confirme une étude du Cercle de l’Épargne de 2019 soulignant que 41 % des Français souhaitaient un retour à la retraite à 60 ans, 38 % souhaitant son maintien à 62 ans et 21 % son report à 64 ans.

 

La mesure la plus efficace sur le plan budgétaire est le report de l’âge légal mais elle suppose des dispositifs spécifiques (carrières longues, formation, prévention sur les accidents du travail, adaptation des postes du travail aux seniors) afin d’éviter l’apparition de surcoûts et de problèmes sociaux.

 

L’allongement de la durée de cotisation qui a été privilégiée en France est socialement plus juste même si cet atout est de plus en plus réduit. Cette seconde solution peut aboutir à une diminution des pensions pour les personnes qui ne disposent pas de la totalité des trimestres. Cette durée était, par ailleurs, censée disparaître avec la mise en place du système universel par points.
 

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