12.09.2018

La réversion

Un système complexe, comme la retraite 


Apparue au XIXe siècle, la réversion s’est constituée, à l’origine, dans le prolongement du devoir de protection dû à la femme par son mari, auquel incombait, jusqu’en 1971, le statut de chef de famille en application de l'article 213 du Code civil.

 

C’est ainsi que ce droit qui a vu le jour au sein de la fonction publique était initialement réservé aux femmes avant de s’étendre progressivement aux veufs et d’être uniformisé entre les deux sexes entre 1973 et 2004. La réversion est un sujet sensible. En effet, liée au décès d’un conjoint, elle constitue un élément de la solidarité nationale.

 

La réversion est souvent mise en avant comme moyen de réduction de l’écart de pensions entre les hommes et les femmes. Les pensions de ces dernières sont, en droit direct, de 39 % inférieures à celles des hommes (données 2016). En intégrant les droits de réversion, l’écart n’est plus que de 25 %.

 

Le système de la réversion a en commun avec celui des retraites, la complexité. Les différents régimes ont retenu leurs propres règles. La situation des conjoints survivants peut, de ce fait, différer en fonction de la carrière professionnelle des conjoints décédés.

 

Depuis de nombreuses années, l’idée d’une refonte de la réversion est avancée par les pouvoirs publics et certains partenaires sociaux. Avec le lancement de la réforme systémique du système de retraite, un remaniement de la réversion est incontournable.

 

Par définition, il sera impossible de conserver le système en l’état. La question est évidemment de savoir quelles seront les nouvelles règles en vigueur à compter de 2025, année d’application annoncée pour la réforme des retraites. 

 

 

4,4 MILLIONS DE BéNéFICIAIRES DE DROITS DéRIVéS

 

En 2016, 4,4 millions de pensions de réversion étaient versées. Le nombre de bénéficiaires s’est accru de 6,4 % par rapport à 2006. Parmi ces bénéficiaires, 1,1 million (soit un quart) ne perçoivent aucune autre pension, soit parce qu’ils n’ont pas encore liquidé leurs droits propres, soit parce qu’ils n’ont pas travaillé (ou pas suffisamment longtemps) pour recevoir, à ce titre, une pension. 2,8 millions de personnes perçoivent une pension de réversion à la CNAV. Les régimes de base du secteur privé (CNAV, MSA salariés, MSA non-salariés, RSI artisans et RSI commerçant) versent, au total, 4,5 millions de pensions de droit dérivé, tandis que les caisses de la fonction publique (fonction publique civile de l’État, fonction publique militaire de l’État et CNRACL) en versent 0,6 million.

 

La proportion des femmes parmi les bénéficiaires des pensions de réversion est de 89 %. Leur surreprésentation est liée à leur plus longue espérance de vie et au fait qu’elles soient, en moyenne, deux à trois ans plus jeunes que leur conjoint. Par ailleurs, quand ils sont veufs, les hommes, en raison de leur niveau de pension de droit direct, souvent plus élevé que celui des femmes, ont des revenus supérieurs aux plafonds de ressources pour être éligibles à la réversion, quand celle-ci est soumise à condition.


Du fait d’un taux d’activité plus faible que les hommes, voire de l’absence totale d’activité professionnelle rémunérée, les femmes représentent la quasi-totalité des retraités ne touchant qu’une pension en droit dérivé (96 %). Fort logiquement, le nombre de bénéficiaires des pensions de réversion croît avec l’âge entre 50 et 85 ans.

 

 

LES RèGLES EN VIGUEUR POUR LES RéGIMES DE BASE ALIGNéS (RéGIME DES SALARIéS, INDéPENDANTS, AGRICOLE, PROFESSIONS LIBéRALES)

 

Le conjoint survivant peut bénéficier d’une pension de réversion sous réserve de respecter des conditions d’âge et de ressources. Le conjoint divorcé est assimilé au conjoint survivant qu’il soit remarié ou non. La pension est partagée au prorata de la durée de mariage entre le conjoint survivant et les précédents conjoints.

 

  • La date d’ouverture des droits à réversion

Pour les régimes de base, l’âge d’ouverture des droits de réversion est de 55 ans. Quand l’assuré est décédé avant le 1er janvier 2009, l’âge minimum requis est de 51 ans quelle que soit la date de dépôt de la demande de pension. Cette condition d’âge a fortement varié dans le temps. Elle était de 65 ans en 1945 puis est passée à 55 ans en 1972 avant de descendre à 51 ans en 2007. Ce n’est que depuis 2009 qu’elle est revenue à 55 ans. La question de son relèvement à 60 ou à 62 ans pourrait se poser.

 

  • Le plafonnement de la réversion en fonction des ressources

Pour bénéficier d’une pension de réversion dans un régime de base, le montant de ses ressources ne doit pas dépasser, pour une personne seule, 2 080 fois le SMIC horaire en vigueur au 1er janvier de l’année considérée, soit 20 550 euros en 2018.

 

Le plafond pour un couple est égal à 1,6 fois celui d’une personne seule soit 32 880 euros (1er janvier 2018). Le montant de la pension de réversion est différentiel. Il s’ajuste par rapport au plafond de ressources.

 

Les ressources prises en compte sont celles des trois mois civils précédant la date d’effet de la pension de réversion. Quand ces ressources excèdent le quart du plafond annuel, le calcul s’effectue sur la base des 12 derniers mois. Toutes les ressources du ménage sont prises en compte pour déterminer si le plafond est atteint à l’exception des assurances vie et des capitaux-décès du conjoint décédé, de la valeur de la résidence principale et des prestations familiales… Les ressources sont révisables chaque année.

 

  • Le taux et montant de la réversion pour les régimes de base

La réversion est calculée en pourcentage des droits « retraite » acquis par le défunt. Ce taux est de 54 % de la pension principale dont bénéficiait ou aurait bénéficié l’assuré décédé.

Depuis octobre 2017, le montant minimum de la pension de réversion du régime général est fixé à 3 433,72 euros par an, soit 286,14 euros par mois. Le montant maximum d'une pension de réversion est fixé à 10 727,64 euros par an, soit 893,97 euros par mois.

 

  • La majoration pour enfant et la majoration pour âge

Le titulaire de la pension de réversion peut bénéficier d’une majoration de 10 % s’il a donné naissance ou élevé au moins trois enfants pendant 9 ans avant leur 16e anniversaire. Le bénéficiaire doit être âgé de moins de 67 ans et ne doit pas être titulaire d’une retraite de base obligatoire. Cette majoration entre dans le calcul du plafond de ressources. La pension de réversion peut être majorée de 11,10 % si le titulaire a plus de 67 ans. Il doit, au préalable, faire valoir tous ses droits à retraite.

 

 

LA RéVERSION DANS LA FONCTION PUBLIQUE, DANS LES RéGIMES SPéCIAUX ET POUR LES AVOCATS

 

Aucune condition d’âge et de ressources n’est prévue. Le taux de la réversion est de 50 %. Une durée minimale d’union de quatre ans est exigée dans la fonction publique, de deux ans pour les régimes spéciaux et de 5 ans pour les avocats. La pension est suspendue en cas de remariage, de PACS ou de concubinage en ce qui concerne la fonction publique.

 

 

LA RéVERSION DANS LES RéGIMES COMPLéMENTAIRES

 

  • AGIRC-ARRCO

À la différence des régimes de base, l’obtention d’une pension de réversion n’est soumise à aucune condition de ressources. Il n’y a pas de limitation de la pension en cas de cumul avec d’autres avantages vieillesse. Le droit à réversion est simplement lié à une condition d’âge. Le conjoint survivant même divorcé peut bénéficier d’une pension de réversion cumulable, le cas échéant, avec un avantage personnel acquis dans ces régimes.

 

En cas de remariage postérieurement à l’attribution de la pension de réversion, le service de celle-ci est supprimé de façon définitive à partir du premier jour du trimestre suivant le remariage. Les orphelins de père et de mère ont également accès à des droits de réversion.

 

Que ce soit pour l’ARRCO ou pour l’AGIRC, le conjoint survivant a droit à une pension calculée sur la base de 60 % des points du conjoint décédé. Pour l’ARRCO, l’accès à la pension de réversion est possible dès 55 ans. Pour l’AGIRC, cet âge est de 60 ans. Les conjoints invalides ou ayant eu deux enfants à charge peuvent obtenir une pension de réversion sans condition d’âge.

 

Quand il y a un seul ayant droit, la réversion est calculée sur le total de la carrière de l’assuré décédé. Quand l’ex-conjoint est divorcé mais non remarié, la réversion est calculée au prorata de la durée de mariage par rapport à la durée d’assurance aux régimes de base du défunt. Quand la durée de mariage est supérieure, l’ex-conjoint bénéficie de l’ensemble de la pension.

 

Quand il y a plusieurs ayants droit, avec une coexistence du conjoint survivant et un (ou des) ex-conjoint(s) non remarié(s), la pension de réversion est partagée entre l’ensemble des ayants droit au prorata de la durée de chaque mariage, rapportée à la durée totale des mariages. Quand le partage ne s’effectue qu’entre ex-conjoints non remariés, la réversion est alors calculée au prorata de la durée de mariage par rapport à la durée d’assurance au régime de base du défunt.

 

  • Le régime de réversion au titre de la complémentaire du Régime Social des Indépendants

Jusqu’au 1er janvier 2013, les commerçants et les artisans n’étaient pas soumis aux mêmes règles en matière de réversion. Depuis le 1er janvier 2013, les artisans, les commerçants et les industriels étant couverts par le même régime complémentaire sont désormais régis, en matière de réversion, par les mêmes règles.

 

Ainsi, depuis 2013, les pensions de réversion des commerçants et des artisans sont accessibles désormais, pour tous, à partir de 55 ans. La condition de durée de mariage est supprimée tout comme la suppression du versement de la pension en cas de remariage. Les conditions de ressources sont fixées à deux fois le plafond annuel de la Sécurité sociale, soit 79 464 euros (au 1er janvier 2018).

 

  • La réversion complémentaire des professions libérales

Les conditions de réversion diffèrent selon les professions. Il convient de se renseigner auprès de la section dont dépendait l’assuré décédé. En règle générale, les pensions de réversion peuvent être versées entre 60 et 65 ans. Le montant de la pension de réversion est fréquemment de 60 % des droits accumulés par l’assuré décédé. Une durée minimale de mariage peut être exigée ou l’existence d’un enfant issu de l’union.

 

 

LE POIDS RELATIF DE LA RéVERSION EST AMENé à DIMINUER

 

Le poids relatif de la réversion au sein des dépenses de retraite devrait passer de 12 % à 8,8 % entre 2014 et 2060. L’augmentation des pensions des femmes explique cette évolution. En effet, le taux d’activité des femmes de 15 à 64 ans était de 67,6 % en 2015 contre 58,2 % en 1990. Sur la même période, le taux d’activité des hommes est resté stable (passant de 75,9 à 75,5 %). L’écart de rémunération avec les hommes tend également à se réduire. La meilleure prise en compte des périodes de maternité permet, par ailleurs, d’augmenter les droits à la retraite des femmes. Selon l’INSEE, si la pension de droit direct des femmes nées en 1930 ne représente en moyenne que 53 % de celle des hommes de la même génération, celle-ci atteindrait 81 % pour les femmes nées en 1970.

 

Une partie de droits de réversion étant soumise à une condition des ressources, l’augmentation des revenus propres des femmes devrait conduire à ce qu’elles en profitent moins que dans le passé.

 

Le poids relatif de la réversion baissera également en raison de la diminution des différences d’âge entre les conjoints. En outre, l’écart de l’espérance de vie entre les hommes et les femmes tend à s’amenuiser.

 

Ces différents points amènent certains experts et responsables de la protection sociale à poser la question de l’utilité à terme des pensions de réversion.

 

 

QUEL AVENIR POUR LA RéVERSION EN FRANCE ?

 

Au milieu du mois de juin 2018, a été évoquée une éventuelle suppression du dispositif de la réversion dans le cadre du futur régime universel de retraite. Le Haut-Commissaire en charge de la réforme a, le vendredi 22 juin 2018, rejeté toute idée de suppression de la réversion. Néanmoins, Bruno Le Maire, le 24 juin a annoncé qu’elle ferait l’objet d’une refonte dans le cadre de la réforme de la retraite. 

 

La réversion obéit-elle à une logique de redistribution sociale ou à une logique quasi patrimoniale ? A-t-elle comme objectif de garantir un minimum de revenus au conjoint survivant, ou de lui assurer le maintien de son niveau de vie ? Est-elle la prise en compte du travail du conjoint survivant à la carrière du conjoint décédé ?

 

La réversion est par nature une prestation redistributive. En effet, le conjoint survivant bénéficie de droits constitués par une tierce personne. À ce titre, les experts de certains organismes comme l’OCDE préconisent que la réversion soit financée par des ressources spécifiques.

 

 

LES PISTES ENVISAGEABLES POUR LE GOUVERNEMENT

 

Le Gouvernement a confirmé, fort logiquement, le maintien des pensions de réversion pour les actuels bénéficiaires.

 

Pour l’avenir, il a exprimé le principe d’une plus grande justice sociale dans la distribution de ces pensions.

 

Au nom de l’équité, de la transparence et de la simplification, les conditions et les dates d’octroi seront harmonisées. Le plafonnement en fonction des ressources devrait être généralisé. En revanche, le taux de la réversion pourrait être augmenté pour les bénéficiaires. La suppression de la réversion en cas de remariage pourrait être remise en cause. La réversion ne devrait plus être versée qu’à un seul bénéficiaire quand la personne décédée a eu plusieurs conjoints, comme cela peut être le cas dans certains régimes. La pension serait calculée au prorata des unions et répartie entre le conjoint et les ex-conjoints.

 

Une extension de la réversion à l’ensemble des unions ayant fait l’objet d’une notification ou d’un enregistrement serait en phase avec la logique de l’assurance vie qui permet à l’assuré de choisir ses bénéficiaires. L’ouverture du droit à réversion aux couples non mariés suppose une application stricte de la règle de proratisation des droits en fonction des durées de vie commune.

 

Le principe de proratisation, déjà appliqué au titre des pensions de réversion distribuées par l’AGIRC et l’ARRCO, devrait de ce fait être étendu à tous.

 

L’autre voie de réforme consisterait, en prenant exemple sur les systèmes allemand ou canadien, d’opter pour un partage des points à la retraite au sein du couple. Dans ce cadre, le compte de retraite est conjugalisé. Les points accumulés durant la vie professionnelle sont additionnés et permettent de calculer le montant de la pension. En cas de séparation, les points sont partagés. 
 

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