Trente ans de baisse des taux au service de l’État en France
Institut statistique européen - Eurostat
Selon l’institut statistique européen, Eurostat, le ratio de la dette publique par rapport au PIB a reculé dans la zone euro, passant de 87,8 % à la fin de l’année 2017 à 85,9 % à la fin de l’année dernière.
À la fin de l’année 2018, au sein de l’Union européenne, les plus faibles ratios de dette publique ont été relevés en Estonie (8,4 %), au Luxembourg (21,0 %), en Bulgarie (22,3 %) et en Tchéquie (32,6 %). Dans de nombreux pays, la situation des finances publiques a retrouvé son niveau d’avant crise en ce qui concerne les déficits publics. La dette publique allemande, grâce aux excédents budgétaires, est repassé en-dessous de la barre des 60 % du PIB.
La France, avec un ratio de 98,4 % du PIB, figure désormais au 6ème rang des pays les plus endettés. Elle côtoie ainsi la Grèce (181,2 %), l’Italie (134,8 %), le Portugal (122,2 %), Chypre (100,6 %) et la Belgique (100,0 %). En 1980, la dette publique française ne s’élevait qu’à 20,8 % du PIB. Elle a franchi le seuil des 60 % en 1996. Depuis 1981, elle a constamment augmenté sauf durant les périodes de forte croissance (1988, de 1999 à 2001, de 2006 à 2007).
L’État est le grand bénéficiaire de la baisse des taux qui a commencé dès les années 80. Le poids rapporté au PIB du service de la dette (le paiement des intérêts) est, en 1998, équivalent à celui de 1981 avec une dette qui a été multiplié par plus de 5. Le coût des intérêts a été divisé par deux de 1995 à aujourd’hui quand, dans le même temps, la dette publique est passée de 60 à 98,4 % du PIB.
Dans le cadre du projet de loi de finances pour 2020, le Gouvernement a prévu que le service de la dette serait de 37,2 milliards d’euros. Depuis vingt ans, l’économie cumulée liée à la baisse des taux est d’environ 400 milliards d’euros.
De la mutation des marchés financiers des années 80 aux politiques monétaires non conventionnelles, une seule et même histoire
La modernisation des marchés intervenue à partir de 1986 a été conduite par les gouvernements afin, entre autres, de faciliter le financement des déficits publics qui étaient alors en forte augmentation.
Les États-Unis ont engagé le processus avec l’arrivée de Ronald Reagan à la Présidence. Le déficit de l’État américain avait fortement progressé en raison des importantes baisses de recettes qui avaient été alors mises en œuvre et des augmentations des dépenses militaires (guerre des étoiles).
Au niveau des taux réels (taux d’intérêt nominaux – taux d’inflation), la baisse est manifeste à partir des années 90 et s’est amplifiée après la crise de 2008. Chaque grande vague d’endettement public amène une baisse des taux afin de le rendre supportable.
Logiquement, c’est le phénomène inverse qui aurait dû se produire. La relation taux d’intérêt/taux d’inflation semble s’être retournée. Ce n’est plus l’inflation qui fait les taux d’intérêt mais l’inverse. La crise de 2008 a conduit les banques centrales à jouer leur rôle de banquier de dernier ressort en intervenant massivement.
Si les années 80 avaient débouché sur une neutralisation de la politique monétaire au nom des principes monétaristes, depuis dix ans, cette dernière est devenue incontournable dans la gestion des crises économiques.
Même si les banques centrales ne mentionnent pas le maintien de la solvabilité des États parmi leurs objectifs, elles en tiennent compte au niveau de la fixation des taux. La mise en œuvre de taux bas voire négatifs a ainsi conduit à alléger de manière considérable le coût du service de la dette. Depuis 2016, les conditions de financement de la dette française sont d’autant plus favorables que le taux d’intérêt est inférieur au taux de croissance du PIB, ce qui facilite la diminution du ratio de dette publique.
Les taux d’intérêt faibles ont permis aux pouvoirs publics de différer la réalisation d’économies. Les dépenses publiques ont ainsi continué à augmenter. Les dépenses publiques (y compris les crédits d’impôt) sont passées en France de 838 à 1 349 milliards d’euros de 2002 à 2020 (PLF 2020 en cours de discussion), soit une augmentation de 61 % en dix-huit ans.
L’impossible remontée des taux au nom du maintien de la solvabilité de l’État
Les gouvernements ont intégré la baisse des taux pour élaborer leurs projets de loi de finances. Le respect des programmes de finances publiques adressés à Bruxelles dépendent tout comme la solvabilité de l’État du maintien des taux bas.
Selon l’INSEE, compte tenu du niveau de l’endettement public, une remontée des taux d’intérêt se traduirait rapidement par une dégradation du déficit public porteuse d’un risque pour la soutenabilité de la dette. Un choc de taux de 1 % sur la charge de la dette négociable de l’État aurait un effet de près de 5 milliards d’euros à horizon 2022 et de 20 milliards d’euros à horizon 2028.
Pour l’économiste Patrick Artus, un durcissement de la politique monétaire occasionnerait rapidement une récession en France qui pourrait déboucher sur des tensions sociales importantes, surtout en cas de hausse des prélèvements.
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