30.01.2024

Réversion, la réforme attend toujours 

Apparue au XIXe siècle, la réversion s’est constituée, à l’origine, dans le prolongement du devoir de protection dû à la femme par son mari, auquel incombait, jusqu’en 1971, le statut de chef de famille en application de l'article 213 du Code civil.

Fin 2021, tous régimes confondus, 4,4 millions de personnes étaient titulaires d’une pension de réversion et le montant des masses financières servies s’élevait à 37,4 milliards d’euros.

Le projet de réforme visant à instituer un système universel de retraite prévoyait de réformer et d’unifier les systèmes de réversion. Avec l’abandon de ce projet, ces systèmes demeurent divers. La simplification reste à faire.

Des conditions d'éligibilité hétérogènes 

Au décès de l’assuré, les droits à la pension de réversion sont déterminés en fonction des droits acquis par le défunt, et d’autre part, de la réglementation en vigueur à cette date, que l’assuré ait ou non liquidé sa pension au moment du décès.

Les pensions de base

Dans les régimes de la fonction publique et dans la plupart des autres régimes spéciaux, aucune condition d’âge n’est requise. Pour les autres régimes, des seuils d’âge ont été prévus. Ils peuvent varier entre 40 et 60 ans. Ce seuil est de 55 ans pour le régime général. Toutefois, les conjoints des assurés du régime général qui ne remplissent pas la condition d’âge peuvent demander à bénéficier de l’allocation veuvage.

À la différence du régime général et des régimes alignés ainsi que des régimes de base des professions libérales et des exploitants agricoles, une condition d’ancienneté du mariage, comprise entre 2 et 4 ans, est exigée dans les régimes spéciaux et de la fonction publique. Cette condition, toutefois, disparaît dans plusieurs de ces régimes quand un ou plusieurs enfants sont issus du mariage.

En plus de la condition d’âge, les régimes complémentaires des professions libérales (hors avocats) et exploitants agricoles exigent également une condition d’ancienneté du mariage de 2 ans.

L’éligibilité à la pension de réversion est conditionnée pour les régimes de retraite de base du secteur privé et des indépendants à des critères de ressources. Depuis le 1er janvier 2004, le régime général, les régimes alignés et les régimes de base des professions libérales et des exploitants agricoles soumettent le droit à la réversion à une même condition de ressources. La pension de réversion est attribuée au conjoint survivant âgé de 55 ans ou plus, quand ses ressources annuelles ou celles du ménage sont inférieures ou égales à 2 080 fois le SMIC horaire (soit 24 232 euros)  pour une personne seule et à 1,6 fois ce montant pour les personnes vivant à nouveau en couple après le décès de l’assuré.

Quand les ressources personnelles de l’ayant droit dépassent le plafond de ressources, le droit à la pension de réversion n’est pas ouvert. Si les ressources ne dépassent pas le plafond, le droit à la pension de réversion est ouvert. Le montant brut de l’ensemble des pensions de réversion de base servies au conjoint survivant est en principe ajouté dans leur intégralité. Cependant, en cas de dépassement du plafond de ressources après prise en compte des pensions de réversions du conjoint décédé, les pensions de réversion ne sont pas versées intégralement, et sont réduites à hauteur du dépassement.

Les pensions de réversion versées par les complémentaires

Aucune condition de ressources ne s’applique pour l’octroi de la pension de réversion versée par l’Agirc-Arrco. Pour le régime complémentaire des indépendants, qui prévoit également une condition de ressources, le dépassement du plafond n’entraîne pas, comme au régime général, la suppression du droit à la réversion, mais seulement une diminution du montant de la pension versée au conjoint survivant.

Pour apprécier le plafond tous les revenus du demandeur ne sont pas pris en compte pour le calcul de ses ressources personnelles. Quand l’ayant droit est âgé de 55 ans ou plus, ses revenus d’activité font l’objet d’un abattement de 30 %.

Sont exclus du champ des ressources prises en compte :

• pour le conjoint survivant et son nouveau conjoint : l’allocation de veuvage, la pension de veuve de guerre, les rentes de réversion des contrats Madelin et les rentes de survie des régimes complémentaires d’invalidité décès, les retraites de réversion complémentaires associées au régime général, agricole, à la sécurité sociale des indépendants, au régime des professions libérales et au régime des cultes ;

pour le conjoint survivant : les majorations pour enfants rattachées aux pensions de retraite personnelles de base, celles rattachées aux pensions de réversion du régime général, du régime agricole, de la sécurité sociale des indépendants, du régime des professions libérales et du régime des cultes ; les revenus des biens mobiliers et immobiliers provenant de la communauté de biens avec le conjoint décédé, donnés par celui-ci ou hérités en raison de ce décès.

En cas de variation dans le montant des ressources, la réduction, l’augmentation, la suspension ou le rétablissement de la prestation prend effet le mois suivant celui au cours duquel les ressources ont varié. Le remariage du bénéficiaire entraîne la révision de la retraite de réversion pour tenir compte des ressources du nouveau ménage.

La prise en compte du statut familial

Les régimes de la fonction publique, certains régimes spéciaux et les régimes complémentaires du secteur privé conditionnent l’obtention de la pension de réversion à une condition de non-remariage des conjoints ou ex-conjoints. Cette mesure est la contrepartie de l’absence de conditions de ressources. Dans ces régimes, le remariage prive le conjoint survivant ou l’ex-conjoint survivant de son droit à réversion et cette condition est parfois élargie au PACS et au concubinage.

À la différence du régime général, dans les régimes alignés et les régimes de base des professions libérales et des exploitants agricoles, la situation conjugale n’a aucune incidence sur le versement de la pension de réversion.

À l’Agirc-Arrco, le remariage entraîne la suppression définitive du droit à la réversion tandis qu’il entraîne seulement sa suspension dans les régimes de la fonction publique. Dans ce dernier cas, le divorce rétablit l’assuré dans son droit à la pension de réversion. Au sein de certains régimes spéciaux et complémentaires, le remariage, selon qu’il ait eu lieu avant ou après le décès, emporte des conséquences différentes allant de la suppression définitive du droit à réversion à l’interruption de la revalorisation de la pension.

Une proratisation de la pension de réversion est prévue pour les régimes de retraite, de base et complémentaires, quand l’assuré décédé a été marié plusieurs fois. La pension de réversion est alors partagée proportionnellement à la durée de chaque mariage entre le conjoint et les ex-conjoints.

LE MONTANT DE LA PENSION DE RÉVERSION

Les taux de réversion sont compris entre 50 % (régimes spéciaux) et 60 % (régimes complémentaires ou régime de base des salariés du secteur privé à pension majorée).

Pour le régime général, les régimes alignés et les régimes de base des professions libérales et des exploitants agricoles, le taux de réversion est de 54 %. La surcote dont bénéficiait ou aurait pu bénéficier l’assuré décédé fait partie de la retraite principale servant de calcul de la retraite de réversion. Ce taux de réversion peut être porté à 60 %, grâce à la majoration de pension de 11,1 % dont le conjoint survivant peut bénéficier quand il atteint l’âge du taux plein. D’autres majorations peuvent venir augmenter le montant de la pension de réversion.

Dans les régimes de la fonction publique, le taux est fixé à 50 %, y compris dans le régime additionnel RAFP. Le montant de la pension peut être majoré par la moitié de la majoration pour enfant qu’a obtenue l’assuré décédé, si le conjoint survivant a également élevé les enfants générateurs du droit.

Le taux de réversion s’élève à 50 % dans le régime de retraite de base des avocats (auquel peut s’ajouter la majoration de pension pour 3 enfants et plus) et à 60 % pour la retraite complémentaire. Dans les régimes de la fonction publique et de la Banque de France, la moitié de la majoration pour 3 enfants et plus peut s’ajouter à la pension de réversion si le bénéficiaire a élevé les enfants ouvrant droit à cette majoration. Les régimes des Industries Électriques et Gazières, de la SNCF, de la RATP et la CRPCEN prévoient que la majoration de pension pour 3 enfants et plus s’ajoute au montant de la pension de réversion. Les salariés entrés dans les entreprises couvertes par des régimes spéciaux à compter du 1er septembre 2023 intègrent le régime général et sont soumis aux règles de réversion de ce dernier.

La grande majorité des régimes de retraite encadrent le montant de la réversion par des minima et des maximas.

LES VOIES D’UNE RÉFORME

Compte tenu du rôle des pensions de réversion dans les revenus des veuves, les pouvoirs publics ont rejeté toute idée de suppression. Avec la réduction des inégalités entre les hommes et les femmes, le montant des pensions de réversion devrait se réduire dans les prochaines années. L’écart de pension de près de 40 % entre les hommes et les femmes n’est néanmoins pas près de disparaître.

La réversion, outil de redistribution sociale, fait l’objet de critiques en raison même de son financement. Les pensions de réversion sont financées de fait par les cotisations des assurés quand sur un point de vue comptable elles devraient relever du champ de la fiscalité ou faire l’objet d’une cotisation assurantielle spécifique.

Des pistes de réforme existent également pour simplifier la réversion dont le régime est d’une rare complexité. Au nom de l’équité, de la transparence et de la simplification, les conditions et les dates d’octroi pourraient être harmonisées.

Si la logique sociale l’emporte, le plafonnement en fonction des ressources devrait être généralisé. Si au contraire, c’est la logique patrimoniale qui domine, il faudrait supprimer la référence du plafond de condition de ressources. Le taux de la réversion devrait être harmonisé. Il devrait être plus élevé en cas de généralisation du plafonnement de ressources de toutes les pensions de réversion.

La question de la liste des bénéficiaires se pose également. La pension doit-elle être répartie entre tous les ex-conjoints ou être attribuée à un seul ? Avec l’allongement de l’espérance de vie, l’augmentation des divorces, le développement du PACS ou du concubinage, une harmonisation des règles est nécessaire avec, à la clef, une simplification. L’ouverture éventuelle dans tous les régimes du droit à réversion aux couples non mariés suppose une application stricte de la règle de proratisation des droits en fonction des durées de vie commune. Le principe de proratisation, déjà appliqué au titre des pensions de réversion distribuées par l’Agirc et l’Arrco, devrait, de ce fait, être étendu à tous. L’autre voie de réforme consisterait, en prenant exemple sur les systèmes allemand ou canadien, d’opter pour un partage des points à la retraite au sein du couple. Dans ce cadre, le compte de retraite est conjugalisé. Les points accumulés durant la vie professionnelle sont additionnés et permettent de calculer le montant de la pension. En cas de séparation, les points sont partagés. Ce système a l’avantage de la simplicité.

 

 

 

 

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