Les robots peuvent-ils payer nos retraites ?
Le financement de la protection sociale
Dans un système de retraite par répartition, les pensions sont payées à partir des cotisations sociales ou des impôts payés essentiellement par les actifs. Le système de retraite français a très bien fonctionné quand la population active était en forte croissance et que le nombre de retraités était limité.
L’inversion de la donne associée à une stagnation des salaires rendent difficile l’équilibrage des comptes de l’assurance vieillesse. Ces dernières années, certains ont envisagé de recourir à la TVA pour financer la Sécurité sociale, d’autres ont pris position pour l’assujettissement des robots aux cotisations sociales. Si la première solution en raison de son impact sur le pouvoir d’achat de la population est moins à la mode, la seconde est régulièrement mise en avant. Mais entre la théorie et la pratique…
Les robots occupent une place de plus en plus importante dans le processus de production. Avec l’intelligence artificielle, ils peuvent désormais accomplir des tâches de plus en plus sophistiquées et remplacer un nombre croissant de travailleurs. La question de leur assujettissement aux cotisations sociales revient régulièrement au cœur du débat. En 2017, Arnaud Montebourg et Benoît Hamon s’étaient prononcés en faveur d’une telle taxation.
Un nombre croissant de robots industriels
Selon la Fédération Internationale de Robotique (FIR), le nombre de robots industriels vendus dans le monde a été multiplié par 5 entre 2001 et 2017, et serait multiplié par 1,4 entre 2018 et 2022.
La Chine représente le plus grand marché en termes de ventes annuelles de robots industriels devant le Japon et les États-Unis. La densité de robots industriels installés est la plus forte à Singapour pour 10 000 salariés. Suivent la Corée avec un ratio de 774 et l’Allemagne avec un ratio de 338. La France se situe au dix-septième rang au sein de l’OCDE.
Les fondements de la taxe sur les robots
L’essor des robots aboutit à une réduction du nombre d’emplois au sein du secteur industriel. Il en résulte une diminution de l’assiette des cotisations sociales. Cette attrition n’est pas compensée par l’augmentation de l’assiette des cotisations du secteur tertiaire qui crée des emplois. Ces derniers donnent lieu, en effet, à des rémunérations inférieures à celles pratiquées par le secteur secondaire. L’autre objectif de la taxation des robots est, pour ces partisans, d’égaliser le coût d’usage des robots sur le coût de la main d’œuvre. La mesure est alors d’ordre protectionniste.
La taxation des robots pose le problème du rôle du progrès technique et de la libre concurrence. L’introduction de machines dans le processus productif a toujours donné lieu à des réactions plus ou moins violentes. Ce fut le cas avec les machines à tisser au XIXe siècle.
L’idée d’une taxe sur les robots peut être séduisante mais il convient de ne jamais oublier le principe suivant : ce n’est pas parce qu’une taxe sera appliquée sur les robots que ces derniers la paieront, déclinaison de la formule d’Alain Madelin, « ce n’est pas parce que l’on met une taxe sur une vache que celle-ci la paie ». Elle sera supportée soit par les salariés, soit par les actionnaires, soit par les clients.
Les différents modes de taxation des robots
Assimiler le robot à un travailleur
Certains économistes proposent de doter les robots d’une personnalité juridique. La taxation des robots pourrait prendre alors la forme d’une taxation des « salaires fictifs » qu’ils perçoivent, c’est-à-dire l’équivalent salarial que percevrait un humain accomplissant la même tâche. Cette notion de « salaire fictif » renvoie à celle du « loyer fictif » qui avait cours en France jusqu’en 1965. Le propriétaire-employeur de robots serait taxé. Pour éviter une double imposition, le salaire fictif devrait être déductible des charges. En contrepartie, la dépréciation du robot (sous forme d’amortissement comptable du capital) ne doit pas être déductible du profit (pour éviter une double déduction). Le salaire fictif pourrait dans ces conditions donner lieu au paiement de cotisations sociales.
La TVA sur le travail des robots
Une autre solution serait d’appliquer la TVA au travail du robot qui serait alors considéré comme un entrepreneur indépendant au service de l’entreprise. Les robots pourraient donner lieu à une simple taxation sur la valeur du capital.
Les robots, la portée de la menace pour l’emploi
L’assujettissement des robots à des prélèvements se justifient donc pour certains par la nécessité de protéger l’emploi des travailleurs les plus exposés au risque de substitution. Pour d’autres, il s’agit de trouver de nouvelles ressources pour la protection sociale. Selon des données statistiques américaines, un robot supplémentaire pour 1 000 travailleurs réduit le taux d’emploi de l’ordre de 0,18 à 0,34 point de pourcentage et les salaires de l’ordre de 0,25 à 0,50 point. Les effets économiques sont plus importants pour les pays émergents et les pays en voie de développement où la proportion d’emplois peu sophistiqués est importante.
Une étude de l’OCDE estime qu’environ 14 % des emplois des pays avancés (16 % des emplois en France) sont exposés à un risque élevé d’automatisation. Une proportion importante des emplois existants risque de changer de manière significative dans leur modalité d’exercice en raison de l’automatisation. Cette proportion est évaluée à 32 % en moyenne dans l’OCDE (33 % en France).
Les pays ayant le plus fort taux de robots par nombre de salariés sont bien souvent ceux qui ont les meilleurs taux d’emploi. C’est le cas au Japon, en Allemagne ou en Corée du Sud. A contrario, la France dispose peu de robots tout en ayant un fort taux de chômage.
Les entreprises qui emploient des robots paient des impôts
Les entreprises qui robotisent leur processus de production le font pour maintenir ou améliorer leur compétitivité. Elles cherchent des gains d’efficacité leur permettant d’accroître leur part de marché. La conséquence est un accroissement de l’assiette de bénéfices imposables. Les gains de productivité peuvent être distribués aux actionnaires, aux salariés et aux clients.
Le problème pour les finances publiques est évidemment la possibilité de taxer les bénéfices à un niveau compensant le manque à gagner sur les cotisations sociales. Ces dernières années, la concurrence fiscale entre les États a abouti à une diminution du poids de l’impôt sur les sociétés.
La taxation des robots pose la question de la mobilité du capital. Une taxation trop lourde entraînerait des délocalisations qui seraient préjudiciables au financement de la protection sociale.
La taxation des robots en lieu et place des travailleurs apparaît en l’état très difficile à mettre en œuvre. Elle pourrait s’avérer contre-productive. En revanche, elle pose le problème du financement de la protection sociale. Le changement des modes de production, l’essor des micro-entreprises, la stagnation de la population active nécessitent une adaptation des prélèvements sociaux.
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