23.10.2023

LE VIEILLISSEMENT, UN DEFI QUI N’EXPLIQUE PAS TOUT  

La zone euro est entrée dans une période de vieillissement démographique, la proportion des retraités augmentant plus vite que l’ensemble de la population. Cette évolution en l’absence d’une progression des gains de productivité est synonyme d’une croissance potentielle faible et d’une augmentation des déficits publics. Dans les prochaines années, le défi du vieillissement sera l’un des plus difficiles à résoudre avec celui de la transition énergétique, d’autant que les populations se montrent de plus en plus rétives à l’immigration.

 

De 2022 à 2050, la population en âge de travailler de la zone euro diminuera de près de 20 % quand la population globale augmentera de moins de 10 %. Pour enrayer la baisse de la population en âge de travailler, les États tentent d’augmenter le taux d’emploi en reculant par exemple l’âge de départ à la retraite. Le taux d’emploi des 20/64 ans est ainsi passé, au sein de la zone euro, de 2010 à 2023 de 68 à 74 %. Les marges de manœuvre en la matière sont de plus en plus limitées. La France et l’Italie demeurent les rares pays pour lesquels une progression du taux d’emploi est possible pour les moins de 25 ans et pour les 55/64 ans. L’autre facteur permettant de compenser le recul de la population active concerne les gains de productivité. Or, depuis 2017, ceux-ci ne progressent plus. La productivité est même en baisse dans plusieurs pays dont la France et l’Espagne. Depuis une dizaine d’années, les gains de productivités sont de plus en plus faibles en Europe comme dans les autres pays de l’OCDE. Entre 2010 et 2022, la productivité par tête n’a augmenté que de 6 % en zone euro.

 

Sans redressement des gains de productivité, et avec une progression moindre du taux d’emploi, la croissance potentielle de la zone euro de 2023 à 2050 devrait être proche de 0 %. Le PIB par habitant pourrait ainsi diminuer favorisant le développement de tensions sociales. L’absence de croissance intervient au plus mauvais moment car les États devront financer les dépenses en hausse en matière de retraite, de santé, de dépendance, de défense et d’éducation. Ils devront également consacrer une part de plus importante de leur budget à la transition énergétique. Depuis 2010, les dépenses publiques augmentent de plus d’un point par an. Naturellement, sans réalisation d’arbitrages, cette progression devrait s’accentuer. De 2023 à 2050, les dépenses publiques pourraient augmenter de plus de 27 %. À pression fiscale inchangée, la hausse des dépenses publiques en 2050 pourrait représenter 14 points de PIB. Depuis la crise financière, de nombreux États ont joué sur la dette publique pour financer le surcroît de dépenses publiques. Celle-ci a augmenté de plus de 10 points de PIB pour la zone euro entre 2010 et 2022, l’augmentation atteignant 27 points de PIB pour la France.

Le recours à l’endettement était relativement facile quand les taux d’intérêt étaient nuls. Il devient de plus en plus difficile avec le retour à des taux normaux. Pour la France, le service de la dette s’est accru de 15 milliards d’euros en 2022. La nécessaire maîtrise de la dette devrait contraindre les États à augmenter les impôts et à réaliser des arbitrages au niveau des dépenses. Seront exposées aux éventuelles économies, celles liées à la retraite en raison de leur poids et de leur forte progression.

Plus une population vieillit, plus la proportion de l’épargne investie dans des produits de long terme est censée diminuer. En effet, l’aversion aux risques augmente avec l’âge. L’horizon de placement étant plus court, les placements en actions seraient pénalisés. Par ailleurs, les ménages à la retraite doivent logiquement puiser dans leur épargne pour maintenir leur pouvoir d’achat, ce qui devrait aller à l’encontre des placements « actions » et provoquer une baisse des cours. Ce désengagement des ménages de l’épargne de long terme conduit les États à jouer un rôle croissant d’intermédiation, de transformation de l’épargne de court terme en ressources de long terme. Cette fonction de transformation est d’autant plus indispensable que, dans le même temps, la transition énergétique suppose la réalisation de nombreux investissements à la rentabilité différée dans le temps.

Au sein de la zone euro, la population de plus de 60 ans représentait 28 % de l’ensemble de la population en 2022, contre 19 % en 1995. Sur cette même période, la proportion de l’épargne financière risquée (actions et obligations d’entreprises) est passée de 32 à 26 %. Cette baisse concerne tous les grands États membres de la zone euro (France, Allemagne, Espagne, Italie). Au Japon, la part des plus de 60 ans dans la population est passée de 20 à 35 % de 1995 2022, et la proportion de l’épargne financière risquée de 30 à 19 %.

 

 

Cette baisse de la détention financière en produits risqués qui est globale au sein de l’OCDE n’est pas du seul fait des épargnants les plus âgés. Au sein des États membres, ces produits restent, en effet, essentiellement possédés par les plus de 50 ans (55 ans aux États-Unis). Le rajeunissement des actionnaires constaté en France, depuis 2020 demeure, pour le moment, limité.

Au Japon comme en Europe, les retraités sont des épargnants nets, au moins jusqu’à 75 ans. Ils continuent à investir dans des produits financiers. L’aversion aux risques serait plus manifeste chez les jeunes actifs. Le coût de l’immobilier les dissuaderait de placer leur épargne sur des produits de long terme.

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détention actifs financiers 2018
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