22.02.2018

La réforme systémique des régimes de retraite

Les exemples étrangers

Le Président a confirmé, au mois de janvier, que le Gouvernement engagera, sous la responsabilité de Jean-Paul Delevoye, la réforme de nos régimes de retraite.

 

L’objectif est l’instauration d’un régime unique ou universel de retraite en rassemblant tout ou partie des régimes de base et des régimes complémentaires actuellement en vigueur. Ce regroupement passerait par l’abandon du système par annuités en vigueur pour la grande majorité des régimes de base au profit d’un système par points.

 

Plusieurs pays ont mené, dans le passé, des réformes de même nature. Il apparaît ainsi utile de décrire les réalisations allemandes, suédoises ou italiennes avant que le débat ne s’ouvre en France.

 

 

 

L’Allemagne, la réforme à marche forcée

L’Allemagne a transformé son régime de retraite en annuités en un régime par points en 1992.

 

La formule de calcul de la pension de retraite appliquée entre 1957 et 1992 utilisait un taux d’annuité fixe à 1,5 % du salaire moyen de l’ensemble de la carrière (et non des meilleures ou des dernières années comme en France). Les droits accumulés et les pensions liquidées évoluaient comme les salaires bruts.

 

En 1992, la formule de calcul de la pension a été modifiée pour prendre sa forme actuelle, sans que le montant des pensions soit modifié au moment de la transition (la valeur du point représente la part de pension mensuelle accordée pour une année de cotisation avec une rémunération égale au salaire moyen), mais la valeur du point est indexée sur les salaires nets depuis cette date.

 

Cette transition instantanée ne nécessitait pas de dispositif particulier de reconnaissance des droits acquis dans l’ancien système. Il a été possible de basculer facilement d’un système vers un autre car le salaire de référence du régime en annuités correspondait au salaire moyen de l’ensemble de la carrière.

 

Le régime en points allemand se distingue des régimes complémentaires en points français, au sens où le nombre de points acquis au cours d’une période est calculé à partir des salaires perçus et non des cotisations versées.

 

Les réformes intervenues en 2001 et 2004 ont, pour le calcul de la valeur du point, introduit un mécanisme d’équilibre prenant en compte l’évolution du rapport démographique du régime (nombre de cotisants/nombre de retraités). Même si en application de la formule, les pensions pouvaient être diminuées en cours de service, elle n’a pas été totalement appliquée. La valeur du point a été gelée pendant trois ans entre 2004 et 2006. Une loi de 2008 garantit dorénavant la valeur nominale du point.

 

Enfin, le pilotage du système allemand vise à garantir trois objectifs principaux : un montant minimum de réserves, un taux de remplacement minimum et un taux de cotisation maximum.

 

 

 

La Suède, l’option du compte notionnel

La Suède a opté, au début du XXIe siècle, pour la mise en place d’un système par points et en compte notionnels.

 

La Suède bénéficiait d’un contexte favorable pour mener à bien sa réforme. L’existence d’informations sur l’historique des rémunérations (permettant de valoriser les droits sur la base des cotisations passées) et de réserves financières constituaient deux indéniables atouts.

 

Le nouveau système a été introduit, en 1998, progressivement au fil des générations (avec affiliation simultanée à l’ancien et au nouveau régime pour les générations de la transition). Il a coexisté pendant plusieurs années avec l’ancien système, même si la transition a été assez rapide (sur dix-sept générations).

 

Les pensions, en termes réels (soit hors inflation), sont désormais revalorisées chaque année suivant l’évolution réelle du revenu d’activité moyen des assurés amputées d’un taux de 1,6 %, considéré comme la tendance à long terme de la croissance réelle du revenu moyen. Elles sont donc indexées sur l’inflation en moyenne, mais peuvent évoluer plus ou moins vite selon les années. De plus, la Suède a instauré en 2001 un mécanisme automatique d’équilibre qui se déclenche dès que le rapport entre les réserves financières, augmentées des cotisations à recevoir par le régime (soit les recettes actuelles et futures), et les engagements de pension du régime est inférieur à 1.

 

Depuis 2009, ce ratio de solvabilité du régime de retraite suédois est inférieur à 1. Cette dégradation tient surtout à la baisse des réserves liée à la crise financière. Les autorités suédoises ont décidé de changer le mode de valorisation des réserves financières (moyenne de la valeur des réserves sur les trois dernières années plutôt que leurs valeurs en n-1) afin de lisser les évolutions du ratio d’équilibre. Ce changement entraîne une hausse du ratio d’équilibre qui atténue la baisse nominale des pensions pour l’année 2010 (3 % au lieu de 4,5 % sans changement de la valorisation des réserves financières).

 

 

 

L’Italie ou comment donner du temps au temps

Jusque dans les années 90, l’Italie disposait d’un régime de retraite assez proche de celui de la France constitué de nombreux régimes.

 

Le système de retraite était déficitaire dès les années quatre-vingt-dix et n’avait pas accumulé de réserves.

Après une première réforme paramétrique en 1992, les autorités italiennes ont instauré un nouveau régime de retraite en comptes notionnels visant notamment à unifier les différents régimes existants.

 

Dans le nouveau régime en comptes notionnels, le capital virtuel est revalorisé chaque année selon la croissance du PIB des cinq dernières années.

Le rendement escompté du capital virtuel intervenant dans le coefficient de conversion de ce capital en pension est fixé à 1,5 % par an ; l’évaluation de l’espérance de vie intervenant dans le coefficient de conversion, initialement décennale, est triennale depuis la réforme Prodi de 2007. Les pensions, une fois liquidées, sont revalorisées chaque année suivant l’évolution des prix.

 

Initialement, les autorités italiennes avaient retenu une période transitoire très longue, de plus de quarante ans. La population des assurés a été répartie en trois groupes :

 

  • Les assurés ayant validé plus de 18 annuités en 1995 relèvent en totalité de l’ancien système de calcul des droits à la retraite ;

 

  • Les nouveaux assurés, entrant sur le marché du travail à partir de 1996, relèvent entièrement du nouveau système ;

 

  • les assurés ayant validé moins de 18 annuités en 1995 relèvent d’un système mixte. Les droits acquis jusqu’au 31 décembre 1995 seront liquidés selon les règles de l’ancien système et les droits acquis après cette date seront liquidés selon la nouvelle législation.

 

L’Italie n’avait pas prévu de mécanisme de rééquilibrage du système se déclenchant en cas de déséquilibre financier. Dans la mesure où la part des retraites servies sur la base des droits acquis dans l’ancien système est encore très importante, le système de retraite italien reste donc déficitaire. Le nouveau régime fonctionnera à plein régime à compter de 2036.


 

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