Les Français et la retraite, une passion et des craintes

Selon une enquête conduite par le Centre d’études et de connaissances sur l’opinion publique (CECOP), dirigé par Jérôme Jaffré et l’IFOP en début d’année, deux tiers des Français sont inquiets pour leur pouvoir d’achat à la retraite. Cette crainte est stable depuis trois ans.

Elle est en légère baisse par rapport à 2019. Seuls 4 % des Français estiment que les pensions sont ou seront « tout à fait suffisantes » pour vivre correctement à la retraite. Ce taux est stable depuis dix ans. 7 % des retraités et 11 % de ceux gagnant plus de 4 000 euros pensent ainsi. En revanche, 2 % des 35/64 ans et 1 % des employés considèrent que leurs pensions sont ou seront « tout à fait suffisantes ». Il convient de souligner que 11 % de ceux qui épargnent régulièrement en vue de leur retraite pensent ainsi, contre 2 % de ceux qui n’épargnent pas pour leur retraite.

27 % des Français pensent que leurs pensions sont ou seront « tout à fait insuffisantes ». Ce sont les 25/49 ans qui sont les plus pessimistes (plus de 35 % d’entre eux) quand les retraités ne sont que 11 % à le penser. 51 % des Français à revenus modestes pensent que leurs pensions sont ou seront « tout à fait insuffisantes », contre 12 % pour ceux gagnant plus de 4 000 euros par mois.

Les retraités sont un peu moins pessimistes en 2023 qu’en 2022 concernant leur niveau de vie. Ils sont 54 % à penser que leurs pensions leur permettent de vivre correctement, en 2023, contre 49 % en 2022. Les revalorisations des pensions intervenues en novembre et en janvier expliquent l’évolution de l’appréciation des retraités. Par ailleurs, la réforme des retraites dont ils figuraient parmi les rares supporters les a sans nul doute rassurés.

Les femmes sont, en revanche, près de trois sur quatre (73 %) à juger que leurs pensions ne leur permettent ou ne leur permettront pas de vivre correctement, contre 57 % des hommes. Cet écart important est en lien avec celui du montant des pensions entre hommes et femmes. Les pensions de ces dernières sont, en moyenne, avant réversion, inférieures de 40 % à celles des hommes.

Les jeunes actifs (25/34 ans) et les seniors (50/64 ans) sont les plus inquiets au niveau des classes d’âge. Ils sont respectivement 73 et 74 % à penser que leurs pensions seront insuffisantes. Les seniors, à quelques années de prendre leur retraite, sont les plus inquiets en raison notamment des modifications de la législation qui pourraient les toucher.

Pour les jeunes actifs, l’idée que le système fera faillite avant leur arrivée à l’âge de la retraite est amplement partagée. Ce sont par ailleurs, les personnes aux revenus faibles ou moyens qui sont les plus inquiètes (75 % de celles touchant moins de 2 000 euros par mois) quand celles qui touchent plus de 4 000 euros le sont moins (38 %). Par ailleurs, 48 % des Français épargnant régulièrement pour la retraite estiment que leurs pensions ne leur permettront pas de vivre correctement, contre 72 % de ceux qui n’épargnent pas. 

Près d’un Français sur deux épargne pour sa retraite  

47 % des Français déclarent épargner en 2023 pour leur retraite. Cette proportion est de 51 % chez les non-retraités, contre 59 % en 2019. Si la proportion des Français qui épargnent régulièrement reste constante de 2019 à 2023 (26 %), celle de ceux qui épargnent quand c’est possible baisse nettement en passant sur cette période de 33 à 25 %. 49 % des non-retraités indiquent ne pas épargner du tout pour leur retraite. Ce taux atteint plus de 61 % chez les personnes à revenus modestes. Assez logiquement, ce sont les 50/64 ans qui sont les plus nombreux (58 %) à épargner en vue de la retraite. La proximité de cette dernière et le fait que les charges liées à l’éducation des enfants ainsi que celles liées à l’acquisition de la résidence principale tendent à baisser expliquent cette plus forte propension à épargner pour la retraite. Si 37 % des retraités disent épargner encore pour améliorer leur retraite, ils sont beaucoup moins qu’en 2022 (49 %).
 

En période d’inflation, les Français éprouvent plus de difficultés à épargner à long terme. La baisse est particulièrement nette chez les Français à revenus modestes. Ils étaient 61 % à épargner en 2019 ; ils ne sont plus que 39 % en 2023. La baisse est bien moins marquée pour les personnes à revenus élevées (respectivement 75 et 72 %). 69 % des cadres supérieurs épargnent en vue de la retraite. Ils sont 22 % à le faire régulièrement. Un ouvrier sur deux indique mettre de l’argent de côté pour sa retraite mais ils ne sont que 10 % à le faire régulièrement. Les femmes épargnent un peu moins que les hommes pour leur retraite malgré leur inquiétude concernant l’évolution de leur pouvoir d’achat. Elles sont 42 % à mettre de l’argent de côté, contre 53 % des hommes. Leurs revenus inférieurs à ceux des hommes sont une raison de cet écart

Les Français rêvent de partir tôt à la retraite !

55 % des Français souhaitent partir à 60 ans voire avant. 80 % voudraient partir à 62 ans ou avant. Ces chiffres soulignent l’attachement des Français à une retraite précoce et leur refus du report à 64 ans de l’âge légal. Seuls 17 % des Français souhaitent partir à 64 ans ou après. 

Les hommes veulent partir plus tôt que les femmes. Ils sont 56 % à vouloir liquider leurs droits à 60 ans ou avant, contre 52 % des femmes. Ce sont les jeunes actifs qui sont les plus enclins à partir tôt (73 % à 60 ans ou avant), contre 37 % des 50/64 ans. Ceux qui sont le plus près de la retraite ne sont pas ceux qui veulent absolument liquider au plus vite leurs droits. Les ouvriers sont plus enclins à partir le plus tôt possible, 59 % d’entre eux aimeraient partir au plus tard à 60 ans, contre 46 % des cadres supérieurs. Près des deux tiers des Français les plus modestes entendent partir tôt à la retraite contre 45 % des Français ayant des revenus élevés. 
 

Entre rêves et réalité, le pragmatisme est de mise

Si les Français souhaitent profiter d’un départ précoce à la retraite, ils sont dubitatifs sur la possibilité d’en bénéficier. Ils ne sont que 18 % à penser pouvoir partir à 60 ans ou avant. Ils sont, en revanche, 62 % à estimer qu’ils partiront à 64 ans voire après. Ils sont même 28 % à considérer qu’ils partiront effectivement à la retraite à 67 ans ou après. Si la réforme est rejetée, elle est intégrée par les Français. 

Une large majorité des femmes (69 %) pensent partir à la retraite à 64 ans ou après (55 % des hommes). Les femmes partent actuellement plus tard à la retraite que les hommes. Les dispositions adoptées dans le cadre des réformes des retraites des dernières années devraient leur permettre de partir plus tôt avec une retraite à taux plein. Pour le moment, ces améliorations ne modifient pas la perception qu’elles se font de leur retraite et le fait qu’elles pensent liquider leurs pensions tardivement. Ce choix est corrélé au sentiment que leur retraite sera faible. 
 

Les Français, à 48 %, n’entendent prendre leur retraite qu’à partir du moment où ils disposent du nombre de trimestres suffisants pour obtenir une retraite à taux plein. Ils ne sont 26 % à accepter l’idée de subir une décote en raison d’un nombre insuffisant de trimestres. Ils ne sont que 26 % à vouloir obtenir une surcote en validant des trimestres supplémentaires au-delà de ceux nécessaires pour obtenir la retraite à taux plein. Les Français veulent concilier départ le plus tôt possible sans perdre en pouvoir d’achat. Les femmes dont les pensions sont, en moyenne, plus faibles que celles des hommes sont plus nombreuses à vouloir partir avec une surcote (27 % contre 24 %). Les hommes sont plus nombreux à être prêts à supporter une décote (30 % contre 22 %). Une majorité des seniors (50/64 ans) souhaitent partir avec une retraite à taux plein (57 %). Ce sont les Français à revenus modestes qui cherchent le plus à obtenir une surcote toujours dans l’objectif d’améliorer leur pension (33 %). 25 % des cadres supérieurs pensent faire de même, soit à peine plus que la moyenne des Français