Avons-nous atteint un plafond pour l’espérance de vie ?
Etude de l'Institut National des Études Démographiques (INED)
L’Institut National des Études Démographiques (INED) a publié une étude sur l’évolution de l’espérance de vie en France au titre évocateur « pourquoi l’espérance de vie augmente moins vite en France ? »
Dans cette étude, l’INED souligne que pour la première fois depuis 1945 le nombre de décès a dépassé, en 2018, 600 000. Après la Seconde Guerre mondiale, le nombre de décès a longtemps fluctué entre 500 000 et 550 000. En dépassant 600 000, il retrouve des niveaux connus au cours du XIXe siècle et au début du XXe. Ce n’est donc que 72 ans après, en 2018, qu’il repasse au-dessus de 600 000.
Entre 1945 et 2018, la population a beaucoup changé en étant une fois et demi plus nombreuse (65 millions en 2018 contre 40 millions en 1945) et plus âgée. La proportion de personnes de 65 ans ou plus a pratiquement doublée, passant de 11 % en 1945 à 20 % en 2018.
Selon l’INED, l’espérance de vie à la naissance a atteint 79,5 ans pour les hommes et 85,4 ans pour les femmes en 2018, contre 79,4 ans et 85,3 ans en 2017, soit un gain de 0,1 an pour les hommes comme pour les femmes. L’espérance de vie n’a progressé que de 0,7 an chez les hommes au cours des cinq dernières années, et de 0,4 an chez les femmes.
L’INED considère que le ralentissement des gains d’espérance de vie sur les cinq dernières années est notamment imputable aux épidémies de grippes. Une population plus âgée est plus sensible à ces épidémies. En effet, depuis 2013, trois années ont été marquées par une épidémie de grippe saisonnière meurtrière ayant provoqué une augmentation du nombre de décès avec près de 20 000 décès supplémentaires à chaque fois.
D’autres facteurs expliquent la diminution des gains d’espérance de vie. Depuis le milieu du XXe siècle, l’espérance de vie à la naissance a progressé de 3 mois par an en moyenne en France, passant de 66,4 ans sexes confondus en 1950 à 82,5 ans en 2018. Depuis la Seconde Guerre mondiale, les gains ont, avant tout, trouvé leurs origines dans la lutte contre la mortalité adulte, en particulier aux âges élevés. La baisse de la mortalité des enfants qui avait beaucoup contribué à l’augmentation de l’espérance de vie de la fin du XVIIIe siècle au milieu du XXe siècle n’a plus d’incidence sur l’espérance de vie du fait de la faiblesse des progrès intervenus depuis en la matière.
Par ailleurs, la capacité à soigner ou à prévenir les maladies infectieuses qui étaient encore la cause d’une partie importante des décès d’adultes et de personnes âgées a permis une forte augmentation de l’espérance de vie après-guerre avec le recours notamment aux antibiotiques.
La mortalité due aux maladies du cœur et des vaisseaux a connu une baisse sensible depuis un demi-siècle grâce à la « révolution cardiovasculaire ».
Le ralentissement des progrès de l’espérance de vie constaté depuis une dizaine d’années traduit la diminution des retombées de cette révolution cardiovasculaire. Les gains d’espérance de vie dépendent de plus en plus des progrès futurs en matière de lutte contre les cancers qui sont devenus la première cause de décès. Si des progrès ont été réalisés pour les hommes, en particulier en matière de tabacologie, une dégradation est constatée pour les femmes avec des conséquences sur la mortalité.
Le ralentissement des gains d’espérance de vie est un phénomène général en Europe, principalement pour les femmes. Dans les pays nordiques, ce ralentissement est intervenu plus rapidement qu’en France. Les Suédoises qui bénéficiaient de l’une des espérances de vie les plus élevées d’Europe en 1980, ont été rattrapées puis distancées par les Françaises, les Espagnoles et les Italiennes. Or, il apparaît que les femmes d’Europe du Nord ont calqué leurs comportements de vie sur ceux des hommes plus tôt qu’en France ce qui s’est traduit par un accroissement de la mortalité par cancers liés au tabac.
Avec plus de 87 ans d’espérance de vie les Japonaises détiennent le record aujourd’hui. La faible consommation de viande, une alimentation mesurée et diversifiée ainsi qu’une hygiène de vie poussée avec la pratique sportive expliquent ce résultat.
Aux États-Unis, le ralentissement de l’espérance de vie a même cédé la place à un recul à la fois chez les hommes et les femmes. Le tabac, la drogue et l’obésité sont pointés du doigt. Est également mis en avant l’accès inégalitaire au système de soins.
En 1980, l’espérance de vie des hommes était égale en France et aux États-Unis, et l’avantage des Françaises ne dépassait pas 1 an. 37 ans plus tard, l’espérance de vie des Américaines est inférieure de plus de 4 ans à celle des Françaises. Pour les hommes, l’écart est de plus de 3 ans.
Selon l’INED, les voies de progrès concernent la lutte contre les cancers et celle contre les maladies neurodégénératives (maladies d’Alzheimer, de Parkinson, etc.). Il insiste également sur la nécessité de maintenir un système de protection sociale égalitaire capable de générer des innovations médicales et sociales.
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