21.06.2018

Epargne retraite, à l'heure de la réforme !

Projet de loi PACTE

Le Ministre de l’Économie a présenté au début du mois de mai son projet de réforme de l’épargne retraite qui est un des volets du projet de loi PACTE.

 

Cette réforme poursuit deux objectifs :

  • favoriser la diffusion des suppléments de retraite par capitalisation,
  • faciliter le financement des entreprises françaises.

 

Pour cela, le Gouvernement entend harmoniser les différents produits d’épargne retraite et en améliorer la portabilité. 

L’épargne retraite est en France un petit segment de l’épargne, l’encours était, en 2016, inférieur à 220 milliards d’euros, soit moins que le Livret A et, évidemment, l’assurance vie. 12,7 millions de personnes étaient couverts par un contrat de retraite supplémentaire en cours de constitution et 2,4 millions percevaient des prestations issues d’un tel contrat. Les cotisations pour l’ensemble des produits d’épargne retraite ont atteint, en 2016, 13,6 milliards d’euros, soit moins de 7 % de l’ensemble des cotisations retraite. Fin 2016, les prestations servies par les suppléments d’épargne par capitalisation représentaient 2 % du total des pensions retraite.

 

 

La France est un tout petit pays pour la capitalisation

 

Chez nos partenaires, elle assure entre 10 à 15 % des revenus des retraités. Les fonds de pension pèsent entre 30 et plus de 100 % du PIB selon les pays. Ils sont des acteurs du financement des entreprises. En France, des dernières sont contraintes soit de rechercher au-delà des frontières des capitaux, soit s’endetter pour financer leur développement, endettement qui commence à inquiéter la Banque centrale européenne. 

 

Ce petit marché pour l’épargne présente la caractéristique d’être constitué d’un grand nombre de produits

 

Les suppléments de retraite par capitalisation se classent en deux catégories, les produits dits collectifs souscrits dans le cadre de l’entreprise ou professionnel et les produits dits individuels. Dans la première catégorie figurent le Plan d’Épargne Retraite Entreprise (PERE, régimes à cotisation définies également dénommés Article 83), l’article 82, l’article 39 (régimes à prestations définies appelés également « retraites chapeau ») et le Plan d’Épargne Retraite Collectif et les Contrats Madelin. La seconde catégorie comprend le Plan d’Épargne Retraite Populaire (PERP), la Préfon, le Corem (Régime de branche 26, à ce stade n'est pas concerné par la réforme), le CRH et le Fonpel et le Carel-Mudel pour les Anciens Combattants ainsi que la Retraite mutualiste des combattants.

 

En matière de cotisations, le premier produit est l’article 83 avec 2,989 milliards d’euros de collecte. Il est suivi par le contrat Madelin (2,831 milliards d’euros) et le PERP (2,226 milliards d’euros). En ce qui concerne les encours, l’article 83 arrive en tête (68,8 milliards d’euros). Il précède l’article 39 (40,261 milliards d’euros) et le contrat Madelin (38 milliards d’euros).
Pour les produits retraite, en France, les sorties s’effectuent soit en capital soit en rente. 15 % des retraités touchent une rente viagère issue d’un produit d’épargne retraite en plus de leur pension versée par les régimes par répartition. Logiquement, un produit retraite suppose une sortie en rente. Les régimes obligatoires fonctionnent de la sorte. Avec l’allongement de l’espérance de vie, avec le risque dépendance, il n’est pas superflu de pouvoir compter sur un revenu régulier supplémentaire. 

 

En 2016, le montant des prestations servies au titre des contrats de retraite supplémentaire s’élève à 6,1 milliards d’euros. La part des prestations servies au titre de la retraite supplémentaire est de 2 % en 2016.

 

Les prestations servies prennent principalement la forme de rentes viagères. En 2016, 81 % du montant des prestations est versé aux bénéficiaires selon ce type de versement, contre 10 % sous forme de capital et 9 % sous forme de versement forfaitaire unique. Au total. 2,2 millions de retraités ont, en 2016, bénéficié d’une rente viagère.

 

Les rentes viagères de retraite supplémentaire restent faibles au regard des pensions délivrées par les régimes obligatoires.

 

Cette modicité s’explique par le caractère supplémentaire des produits d’épargne retraite. La jeunesse de ces derniers limite la durée de cotisation. 

 

Le montant moyen annuel des rentes viagères en 2016 s’élève à 2 250 euros tous produits confondus contre 16 200 euros par an (1 350 euros par mois) versés en moyenne par les régimes obligatoires de droit direct en 2016. 27 % des rentes annuelles sont supérieures à 2 000 euros, tandis que 46 % sont inférieures à 1 000 euros. Pour les produits souscrits en entreprise, la rente annuelle moyenne est de 3 050 euros en 2016.

 

Les rentes viagères des contrats à prestations définies s’élèvent, en moyenne, à 7 130 euros par an en moyenne, contre 2 190 euros pour les contrats de type « article 83 » du CGI. 

 

La rente moyenne de retraite supplémentaire des indépendants s’élève à 1 900 euros pour les contrats Madelin et 1 060 euros pour les contrats « exploitants agricoles ». La rente moyenne annuelle servie au titre des PERP atteint 1 240 euros. 

Le développement des suppléments de retraite est d’autant plus nécessaire que le taux de remplacement des pensions (ratio calculé au moment de la cessation d’activité entre le montant des pensions et les revenus professionnels) de retraite baissera dans les prochaines années. La baisse pourra atteindre de 8 à 15 points selon la catégorie socio-professionnelle. Le niveau de vie des retraités devrait passer en-dessous de la moyenne de la population quand, aujourd’hui, il est de 6 points plus élevé. 

 

Pour faciliter justement la réorientation de l’épargne des ménages vers des placements longs, vers des placements actions, le Gouvernement d’Edouard Philippe entend faciliter la diffusion de l’épargne retraite au sein de l’opinion publique. À cet effet, il a privilégié l’harmonisation des produits à leur unification jugée trop complexe. Le Ministre de l’Économie a ainsi prévu d’instituer pour tous les produits des sorties en capital. Ces derniers seront transférables afin de pouvoir suivre leur bénéficiaire durant toute sa vie professionnelle. L’objectif des pouvoirs publics est d’accroître, d’ici 2022, l’encours de l’épargne retraite de 50 %. Un objectif ambitieux au regard de l’évolution de ces dernières années. 

 

La réforme de l’épargne retraite est étroitement liée à celle de la retraite que le Président de la République a placée au cœur de ses priorités. La place et le rôle des suppléments par capitalisation sont conditionnés par le niveau de couverture qu’assurera le régime universel de retraite. La retraite est un chantier français mais aussi européen or l’articulation entre les projets français et européens n’apparaît pas, pour le moment, évidente. La Commission de Bruxelles, travaille, depuis deux ans à la mise en place d’un supplément de retraite individuel par capitalisation accessible à tous les ressortissants européens, le plan paneuropéen d’épargne-retraite (PEPP). Ce produit accompagnerait la mobilité des assurés et faciliterait le financement des entreprises européennes. Son succès suppose une harmonisation entre les États membres en matière fiscale mais également dans les domaines de la gestion d’actifs, du devoir de conseil et de la supervision. 

 

 

La refonte de l’épargne retraite doit également prendre en compte la problématique de la dépendance

 

En effet, d’ici 2040, le nombre de personnes âgées en perte d’autonomie devrait doubler. Les besoins en services de santé, en services de proximité et en hébergement augmenteront. Une nouvelle journée de solidarité n’y suffira pas. Les produits d’épargne retraite sont les mieux à même d’intégrer en leur sein la problématique de la dépendance. 

 

Le financement des retraites et des dépenses qui y sont liées, assurance maladie, dépendance, restera la grande question des vingt prochaines années. Le vieillissement de la population est un symbole de réussite qui nécessite des ajustements économiques et financiers. La France a perdu beaucoup de temps. En 1982, le livre de Dominique Strauss Kahn et de Denis Kessler « l’épargne et la retraite » soulignait déjà la nécessité de développer des suppléments par capitalisation. 


 

Partager cet article :